SOURCE : Cass. com., 4 déc. 2012, n° 11-24.814, n° 1198 D
En l’espèce, un bail contenait une clause récurrente, qui interdisait au preneur de céder son fonds de commerce. Afin de se conformer aux dispositions de l’article L145-16 du Code de commerce, le bail stipulait naturellement que cette interdiction ne concernait pas le cessionnaire du fonds de commerce.
Le preneur exerçait dans les lieux loués une activité d’achat-vente de textiles. En cessation d’activité pendant huit mois, le preneur avait recentré son activité sur la vente de matelas, avant de céder son fonds de commerce à un acquéreur, qui n’exploita plus que cette activité.
Le bailleur a considéré que cette cession de fonds de commerce était une cession de droit au bail déguisée, afin de pouvoir passer outre l’interdiction de principe. En effet, au soutient de ses prétentions, le bailleur allègue qu’aucun fonds de commerce n’était exploité dans les lieux, dès lors que le fonds ne disposait plus d’une clientèle suffisante avant la cession. Or, selon l’articleL141-5 du Code de commerce « l’enseigne, le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage » sont les éléments essentiels du fonds de commerce sans lesquels il ne pourrait exister.
Dès lors que son consentement à la cession n’avait pas été sollicité, le bailleur demandait le prononcé de la résiliation du bail et l’expulsion corrélative de tous occupants.
La Cour d’appel de Reims a fait droit aux prétentions du bailleur. A l’analyse des pièces versées aux débats, les juges du fonds ont relevé que l’activité du preneur avait cessé et que plus aucune clientèle n’était demeurée attachée aux fonds de commerce initial.
De plus, pour les juges du fonds, la vente de matelas drainait une clientèle différente et un chiffre d’affaire marginal en comparaison avec l’activité précédemment exercée dans les lieux loués.
Pour la Cour d’appel, la cession de fonds de commerce était fictive, et dissimulait la cession du seul droit au bail, à défaut de clientèle cédée.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : « l’existence d’une clientèle attachée à l’activité de vente de matelas, quelle que fût son importance, et la réalisation grâce à l’exercice de celle-ci d’un chiffre d’affaires qui n’était pas insignifiant, [ne permettait pas à la cour d’appel d’en] déduire que le fonds de commerce avait disparu ».
La question de l’existence d’une clientèle attachée au fonds de commerce reste une question délicate, source de jurisprudence. Contrairement aux apparences, la clientèle subsiste à la cessation d’exploitation du fonds[1], dès lors qu’il est nécessaire qu’un certain laps de temps s’écoule avant que la clientèle ne soit définitivement redirigée vers un autre fonds.
La Haute juridiction ajoute, avec la présente espèce, que le changement d’activité n’affecte pas la survie du fonds de commerce, dès lors qu’une clientèle attachée au fonds permet la réalisation d’un chiffre d’affaire, quel que soit son montant, dès lors qu’il n’est pas négligeable.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats