Alors, finalement ? La clause de réserve de propriété est-elle une sûreté ?

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com. 15/10/2013 pourvoi n°12-14.944 n°957 P + B ; Cass. Com. 15/10/2013 pourvoi n°12-25.993 n°986 D

 

Le débat relatif à la qualification de la clause de réserve de propriété en sûreté agite la doctrine depuis des années.

 

L’Ordonnance du 23 mars 2006, ayant modifié l’article 2329 du Code Civil, et qui dispose désormais que la clause de réserve de propriété constitue bien une sûreté réelle, n’a finalement pas clos le débat.

 

Un nouvel avatar de la question a surgi dans le cadre du droit des procédures collectives, et plus précisément dans le cadre de la déclaration d’une créance garantie par une clause de réserve de propriété.

 

En effet, une société bénéficiaire d’une telle clause avait déclaré sa créance à titre privilégié, considérant que l’article 2329 du Code Civil lui permettait une telle déclaration.

 

Par deux Arrêts rendus le même jour, la Cour de Cassation écarte le caractère privilégié de la créance garantie par une clause de réserve de propriété.

 

Elle considère en effet que la propriété doit préalablement avoir fait l’objet d’une action en revendication, et que le succès de cette procédure subordonne la reconnaissance de la propriété dans le cadre de l’admission au passif.

 

En outre, la reconnaissance de cette propriété est sans effet sur les répartitions.

 

Dit autrement, la clause de réserve de propriété ne permet pas au créancier de déclarer sa créance à titre privilégié.

 

A l’occasion de l’examen de ces Arrêts, il est d’ailleurs utile de rappeler aux praticiens que, si la réserve de propriété est une garantie particulièrement efficace, encore faut-il que le créancier prenne la peine de faire valoir cette propriété.

 

En effet, à défaut de contrat publié, la propriété ne sera acquise qu’une fois l’action en revendication valablement exercée et couronnée de succès.

 

Or, il est courant en pratique et tout particulièrement dans les procédures n’entraînant pas d’arrêt immédiat de l’activité (sauvegarde et redressement judiciaire) qu’un cocontractant, et notamment un crédit bailleur, ne fasse pas valoir sa propriété, bien que son contrat ne soit pas publié.

 

Lors d’une conversion en liquidation judiciaire, il sera alors trop tard pour faire valoir cette propriété et le liquidateur sera en droit de vendre un bien qui pourtant ne lui appartient pas, à défaut pour le créancier d’être en mesure de faire valoir, tardivement, sa propriété sur le bien meuble.

 

La procédure collective démontre, encore une fois, sa complexité et ses risques pour un créancier.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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