Société titulaire d’un bail commercial : céder ses parts, ce n’est pas céder son droit au bail.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cour d’Appel de PARIS – Pôle 5 Chambre 3 du 10 avril 2013, n° 11/01736.

  

Dans cette espèce, deux sociétés se partageaient le lot n°1 d’un immeuble situé Rue Saint Honoré à PARIS, donné à bail commercial pour 9 années à compter du 1er avril 2002, l’une et l’autre exploitant une boutique de prêt à porter féminin sous contrat de franchise.

 

Les contrats de franchise ayant été dénoncés le 28 février 2007, la totalité des parts des parts composant le capital social de ces deux sociétés fut cédé à une troisième avec laquelle elles conclurent en outre un contrat de location gérance portant sur leur fonds respectif pour une durée d’un an avec tacite reconduction.

 

Les deux boutiques furent fermées et, après quelques mois de travaux, rouvraient réunies en une seule et même boutique sous une enseigne unique, également de prêt à porter féminin.

 

C’est ainsi que le bailleur, estimant avoir été lésé dans ses droits, assignait les 3 sociétés en résiliation de bail et expulsion.

 

Débouté de l’ensemble de ses demandes par un Jugement rendu le 16 décembre 2010 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, le bailleur relève appel de cette décision et demande à la Cour de constater que la cession de la totalité des actions des sociétés preneuses au bénéfice de la société acquéreur avait été conclue en fraude des droits du bailleur, dès lors qu’elle n’avait pour objet que de permettre au cessionnaire d’appréhender la jouissance des locaux et que cette cession de parts devait s’analyser en une cession déguisée du droit au bail, entraînant par application des conditions du bail la résiliation de plein droit aux torts et griefs des sociétés preneuses.

 

Le bailleur prétendait encore que la cession du capital social des sociétés preneuses à la troisième, avait été faite selon une évaluation directement liée à la valeur du droit au bail avec pour seule finalité d’implanter dans les lieux loués une nouvelle et unique entité commerciale sous une autre enseigne, et, enfin, prétendait constater que les contrats de location gérance conclus entre les sociétés étaient en réalité des contrats de sous location ou de mise à disposition des locaux à l’exclusion de tout élément du fonds de commerce en raison de la cessation de l’activité des deux boutiques sous enseigne franchisée, cette qualification de location gérance étant abusive et donnée par les parties cocontractantes dans des conditions frauduleuses et inopposables au propriétaire.

 

Le bailleur demandait en conséquence à la Cour d’ordonner l’expulsion des sociétés occupantes.

 

Mais la Cour d’Appel, dans l’Arrêt précité du 10 avril 2013, ne suivra pas le bailleur dans cette interprétation des faits.

 

Considérant au contraire que la cession de la totalité des parts sociales d’une société ne peut être assimilée à une cession de bail, ni à une cession de fonds, sauf fraude dont la preuve n’est pas rapportée en l’espèce par le bailleur, la Cour relève que la dénonciation des contrats de franchise n’avait pas fait disparaître les fonds de commerce exploités dans les lieux qui bénéficiaient d’un achalandage important propre à leur situation dans le quartier Saint Honoré, qu’à la date du protocole d’accord portant sur les cessions de parts sociales en date du 21 janvier 2007, les contrats de franchise dont bénéficiait chacune des sociétés étaient toujours en vigueur, et qu’enfin la fraude ne peut se déduire de la valorisation du prix de cession des parts à une somme proche de la valeur de chaque droit au bail, alors que le prix de cession de parts d’une société dépend de la valorisation de la société incluant précisément celle du droit au bail et du passif de chaque société et qu’en outre la cession n’entrainait pas le changement du titulaire du droit au bail, ni du propriétaire du fonds.

 

Par ailleurs, contrairement aux prétentions du bailleur qui estimait que les fonds de commerce préexistants avaient disparu du fait de la résiliation des contrats de franchise et de l’aménagement des locaux pour l’exploitation d’une nouvelle enseigne, la Cour considère au contraire que ces faits n’étaient pas de nature à faire disparaître les fonds de commerce, ni à faire perdre à chacune des sociétés leur clientèle préexistante, notamment eu égard à la zone de chalandise existant dans le quartier Saint Honoré à PARIS.

 

Par suite, la Cour considérant que faute d’établir la disparition des fonds de commerce donnés en location gérance, le bailleur doit également être débouté de sa demande de requalification du contrat de location gérance en sous location ou mise à disposition des locaux. 

 

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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