La qualité de membre d’un groupe fiscalement intégré influe sur la capacité à agir d’une société vis-à-vis de l’administration fiscale

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source : CE, 10/05/2017, n°395447, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

Lorsqu’un groupe fiscalement intégré est créé, ses membres acceptent que la société mère soit la seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats des membres.

 

Les filiales continuent de déclarer individuellement leur résultat mais l’impôt en résultant le cas échéant est acquitté par la société mère.

 

De la même façon, chaque filiale doit suivre individuellement l’éventuelle procédure de contrôle dont elle peut faire l’objet mais les suppléments d’impôt sont, le cas échéant acquittés par la société mère. L’administration fiscale est d’ailleurs tenue, à peine de nullité de la procédure, de communiquer à la société mère le résultat d’une procédure chez une société membre du groupe et de lui faire part de l’incidence des rectifications sur le résultat d’ensemble.

 

Les filiales membres du groupe fiscalement intégrées restent néanmoins solidaires de la société mère du paiement des impôts du groupe à hauteur de ce qu’elles auraient payé en absence d’intégration fiscale.

 

Dans ces conditions, on peut se demander qui doit ou peut intervenir auprès de l’administration fiscale.

 

En l’espèce, une société membre d’un groupe fiscalement intégré a déclaré des dépenses recherche donnant lieu à crédit d’impôt. Elle a alors sollicité le remboursement de l’excédent du crédit d’impôt après imputation sur l’IS dû par le groupe. Cette demande a été considérée comme irrecevable tant par l’administration fiscale que par les juridictions du fond au motif que c’est la société mère qui aurait dû formuler cette demande.

 

Le Conseil d’Etat, saisi tant la société membre que par la société mère, rejette le pourvoi et se prononce, dans un but pédagogique, sur chacun des arguments soulevés par les contribuables au visa des articles 223 A et suivants du CGI.

 

Les sociétés soutenaient que c’est à tort que les juridictions du fond ont jugé que seule la société mère était recevable à demander le remboursement des créances correspondant à l’excédent des crédits d’impôt résultant des dépenses de recherche effectuées par le groupe.

 

Le Conseil d’Etat rejette cet argument au visa de l’article 223 O du CGI qui prévoit que seule la société peut imputer, sur le montant de l’IS dû par le groupe et dont elle est redevable, les crédits d’impôt pour dépenses de recherche. Il juge qu’il résulte de ces dispositions que « lorsque la créance correspondant à l’excédent de ces crédits d’impôt après imputation sur le résultat d’ensemble est immédiatement remboursable, elle ne peut être remboursée, au sein d’un tel groupe, qu’à la société mère. Il appartient par suite à cette société de demander à l’administration fiscale, par la présentation d’une réclamation contentieuse, le remboursement de cette créance ».

 

Les sociétés soutenaient en outre qu’une filiale est également recevable à demander le remboursement dès lors qu’elle reste soumise à l’obligation de déclarer ses résultats et qu’elle est l’interlocutrice de l’administration fiscale en cas de contrôle.

 

Le Conseil d’Etat réplique : « l’imputation des crédits d’impôt, qui peut conduire le cas échéant à demander le remboursement de l’excédent de ces crédits après imputation, s’effectue  sur l’impôt sur les sociétés dû sur le résultat d’ensemble du groupe, dont la société mère est seule redevable, et non au stade de la procédure suivie entre l’administration fiscale et chaque société du groupe ».

 

Les sociétés faisaient enfin valoir qu’une société membre d’un groupe fiscalement intégré est solidairement tenue au paiement de l’IS dont elle serait redevable si elle n’était pas membre du groupe.

 

Le Conseil d’Etat juge que « cette circonstance lui donne seulement qualité pour contester dans cette mesure les impositions primitives ou supplémentaires qui sont réclamées à la société mère, jusqu’à ce que ces impositions aient été acquittées. Après ce paiement, ou lorsque la demande tend au remboursement d’un crédit d’impôt, la réclamation introduite par la première société n’est recevable que lorsqu’un mandat lui a été régulièrement confiée par sa société mère ».

 

En résumé, dans la mesure où la société mère est seule redevable de l’impôt dû par le groupe, toute demande ayant pour objet de voir le montant de l’impôt définitivement arrêté dû par le groupe être modifié (par imputation d’un crédit d’impôt comme en l’espèce mais également par la prise en compte de déficits par exemple) doit être formulée par la société mère.

 

Elle est la seule interlocutrice de l’administration car, par l’effet de l’option pour le régime de l’intégration fiscale, les crédits d’impôts à imputer sur le résultat (ou les déficits) deviennent sa propriété.

 

La seule possibilité pour un membre du groupe d’intervenir valablement auprès de l’administration fiscale après la mise en recouvrement et paiement des impôts être d’être régulièrement mandatée par la société mère.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

 

395447

 

 

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