La notion « d’interposition de personnes » dans le cadre d’une vente d’éléments d’actif d’une société en procédure collective.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 8 mars 2017, pourvoi n° 15-22.987 F-P+B+I.

 

L’article L. 642-3 du Code de Commerce prévoit un certain nombre d’incompatibilités dans le cadre de la vente des éléments d’actifs d’une société en procédure collective. Ne sont notamment pas autorisés à présenter une offre « le débiteur, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ses dirigeants, ou du débiteur personne physique, les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre ».

 

L’idée derrière ce dispositif est extrêmement simple. Il s’agit d’éviter qu’un dirigeant ayant déposé le bilan ne puisse, directement ou indirectement, reprendre les actifs de sa propre société… sans les dettes. C’est un mécanisme très classique et l’on voit souvent, notamment dans les procédures de sanction, des dirigeants de paille qui sont en fait un ami ou un membre de la famille d’un ancien dirigeant ayant déposé le bilan. La sanction prévue par le texte est la nullité de la cession faite irrégulièrement.

 

L’arrêt ici commenté traite d’une des notions figurant dans ce texte, celle de personne morale interposée. Là encore, le mécanisme se comprend aisément. Le Texte est là pour éviter qu’un dirigeant recrée une nouvelle société, personne morale indépendante, qui présenterait une offre. Le texte précise ainsi que cette personne morale interposée n’est pas autorisée à présenter une telle offre. L’arrêt va plus loin dans le questionnement : quid d’une offre présentée par une personne morale étrangère à la personne du repreneur d’un des associés, mais dont l’offre a été faite en vue d’une revente à une nouvelle structure, cette fois contrôlée par une personne frappée par l’incompatibilité de l’article L. 142-3 ?

 

La Cour de cassation répond de manière très claire : la personne morale n’est pas autorisée à présenter une offre :

 

«   L’interposition de personnes au sens de l’article L. 642-3 du Code de Commerce s’entend de l’intervention d’une personne morale qui masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société débitrice à l’opération d’acquisition. »

 

Ici, une société avait racheté des actifs et il était démontré, en fait, que la société n’avait pas vocation à conserver ses actifs, mais à les revendre à une société tierce dont le dirigeant, principal associé, était l’ancien dirigeant de la société en liquidation judiciaire. L’interposition s’entend donc, non pas seulement d’une participation capitalistique directe dans la personne morale offreur, mais de tout mécanisme ayant pour objet ou finalité de permettre à l’une des personnes frappées par l’incompatibilité de cet article de devenir propriétaire ou bénéficiaire économique des actifs de la liquidation judiciaire. La précision est tout à fait intéressante, en témoigne d’ailleurs la large publicité donnée à cet arrêt (F-P+B+I).

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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