Source : Cass. Com., 15 novembre 2016, pourvoi n° 15-16.070 F-P+B.
En matière d’actions en sanctions, la prescription est relativement courte. Elle n’est que de trois ans à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective.
Et cette prescription se trouve, en pratique, encore raccourcie lorsqu’une procédure de redressement judiciaire a précédé la liquidation judiciaire, dans la mesure où la prescription court à compter du jugement d’ouverture du redressement. En pratique, donc, le mandataire liquidateur qui ne s’intéresse à l’éventualité d’une sanction qu’une fois la liquidation prononcée, a parfois seulement un an ½ pour agir.
Dans l’arrêt ici commenté, le liquidateur était manifestement prescrit pour engager une action en sanctions. Pourtant, il avait découvert que le gérant de la société en liquidation avait conservé à titre personnel des sommes qui auraient dû revenir à la société. Le gérant reconnaissait d’ailleurs lui-même avoir détourné la somme de 14 200 €.
Le liquidateur engage alors tout de même une action, mais sur un fondement original : l’article 1993 du Code Civil, qui dispose :
« Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand bien même ce qu’il aurait reçu n’eût point été dû au mandant. »
Les juges du fond avaient déclaré l’action irrecevable, jugeant qu’il s’agissait là de sanctionner des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, de sorte que seules les dispositions de l’article L651-2 du Code de Commerce trouvaient à s’appliquer, c’est-à-dire les textes relatifs aux sanctions commerciales.
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel, précisant «Qu’en statuant ainsi, alors que le liquidateur, sans faire référence à une insuffisance d’actif, ne réclamait que le remboursement d’une somme payée par un client de la société, que le dirigeant de celle-ci avait conservée entre ses mains, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Haute Juridiction reconnaît donc la possibilité, pour le liquidateur, d’agir sur un fondement distinct, celui de la reddition des comptes du mandataire social : la Cour reconnaît la recevabilité de l’action, dès lors que l’action ne vise pas aux mêmes fins que l’article L651-2 du Code de Commerce, mais simplement à obtenir la restitution de sommes perçues dans le cadre de l’exécution de son mandat social.
Un arrêt intéressant, qui va peut-être ouvrir des portes aux mandataires liquidateurs.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats