Fraude et droit des marques

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

SOURCE : CA Aix en Provence, 2ème ch. 27 septembre 2012 RG 2011/10663

 

L’action en revendication présente l’avantage pour une victime de se subroger dans les droits du déposant et de bénéficier de l’antériorité du dépôt. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par trois ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

 

Le succès de cette action est conditionné la preuve d’une connaissance par le fraudeur des droits fraudés (connaissance manifeste ou fait de ne pouvoir méconnaître le signe notamment en raison de sa notoriété) et d’une intention de nuire (soit de profiter des efforts d’autrui soit de porter préjudice à ses projets).

Une jurisprudence disparate ne permet cependant pas de dire s’il s’agit de conditions cumulatives, certaines décisions considérant que l’intention de nuire s’infère de la connaissance des droits antérieurs. 

 

En l’espèce, Monsieur C. avait déposé auprès de l’INPI trois marques françaises semi-figuratives  « LE PETIT NICOIS L’autre information des Alpes maritimes », « MENTON PLUS L’autre information des Alpes maritimes » et « LE CANNOIS  L’autre information des Alpes maritimes » le 2 novembre 2009 dans les classes 16, 35 et 41.

Ces marques étaient destinées à intituler des périodiques distribués dans la région PACA.

 

La Ville de Menton et son CCAS ont formé sur le fondement de l’article L.712-6 une action en revendication de propriété de la marque « MENTON PLUS L’autre information des Alpes maritimes ».

 

Le Tribunal de grande instance de Marseille a accueilli la demande et ordonné le transfert de la marque. En appel, les juges ont confirmé le jugement.

 

Pour sa défense, le déposant invoquait l’absence de droits sur le signe « MENTON PLUS » qui constitue une appellation insusceptible de protection, le défaut de connaissance de la dénomination au moment du dépôt ainsi que l’absence d’intention de nuire.

 

Sur l’existence de droits antérieurs

 

Se référant à la lettre de l’article L.712-6 du CPI qui prévoit l’existence de « droits antérieurs », la Cour a balayé l’argument du déposant en se référant à la jurisprudence de la Cour de Cassation du 19 décembre 2006 selon laquelle la partie plaignante n’a pas à justifier de droits sur le signe litigieux mais à prouver l’existence d’intérêts sciemment méconnus.

 

Elle a considéré cependant que le signe MENTON PLUS constituait « une appellation originale ou arbitraire » de telle sorte que « la ville de Menton possédait des droits au sens dudit article sur l’appellation pour l’avoir imaginée, créée et développée».

 

Sur l’appréciation de la connaissance du signe antérieur

 

La Cour a retenu qu’au moment du dépôt, le déposant ne pouvait ignorer l’existence de cette dénomination puisqu’il existait une association communale créée en 2008 regroupant les activités culturelles et de loisirs de la ville de Menton sous la dénomination  MENTON PLUS  dont le rayonnement local était avéré de sorte qu’ « l’appellation « MENTON PLUS » était largement répandue dans le public (les habitants de Menton) pour désigner une offre de services culturels et de loisirs dans un cadre associatif animé par la Ville de Menton et par le CCAS (…) ».

 

Sur l’intention de nuire

 

Pour écarter l’intention de nuire, le déposant avançait  que le dépôt n’avait pas pour finalité de capter la communication faite par la Ville et le CCAS de Menton dans le domaine associatif et culturel en direction des électeurs ou d’interdire de faire usage de ce signe pour les besoins de leur communication en matière culturelle ;

 

 Ce a quoi répond la Cour a répondu que la prise en compte du risque potentiel de confusion entre les signes au regard des produits et services visés dans le dépôt (édition de périodiques comme activités culturelles et de loisirs) était inopérant.

 

C’est ainsi que par une appréciation souveraine, la Cour a jugé que «  Monsieur Stéphane C, maire de la commune voisine d’Eze et désireux de briguer les suffrages des électeurs de la Ville de Menton à l’occasion d’un scrutin autre que municipal, de déposer en toute connaissance de cause, la marque « MENTON PLUS (…) » reprenant comme élément essentiel de sa marque, une appellation originale et arbitraire, usuelle et connue d’un très large public pertinent (les habitants de la ville de Menton)» s’était rendu coupable d’un dépôt frauduleux.

 

 

Notons que l’appellation Menton Plus n’a rien d’originale puisque cette dénomination avait déjà été empruntée par une association dans les années 90.

 

Diane PICANDET

VIVALDI Avocats

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