Source : Cass. Com. 30/10/2012 pourvoi n°11-22.836 n°1087 P+B
Cet Arrêt vient apporter une précision qui semblait tomber sous le sens, mais qui est bienvenue dans la mesure où la situation décrite est, en pratique, extrêmement fréquente.
Il s’agit de l’interprétation de l’article L622-24 alinéa 1er du Code de Commerce, qui dispose :
« A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d’Etat (deux mois). Les créanciers titulaires d’une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l’égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. »
Cet article prévoit donc un délai de déclaration de créance de droit commun, de deux mois, qui court à compter de la publication du jugement au BODACC, et un délai spécifique pour les créanciers titulaires d’un contrat ou d’une sureté publiée, pour lesquels le délai de deux mois court à compter de l’avertissement personnel qui leur est donné par le mandataire judiciaire.
L’esprit du texte est évident : il s’agit de mieux protéger le créancier disposant de la sureté ou du contrat publié en ne lui imposant pas la lecture du BODACC compte tenu des diligences qu’il a déjà accomplies s’agissant de la publication de son droit.
Il est donc lui aussi tenu par un délai de déclaration de deux mois, mais qui ne peut commencer à courir dès lors qu’il n’a pas été averti personnellement de la procédure collective de son débiteur.
En pratique, l’hypothèse la plus fréquente est cependant la suivante :
– Dès les premiers jours qui suivent l’ouverture de la procédure collective, le débiteur remet au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, prévue par l’article L622-6 du Code de Commerce. Cette liste comprend notamment la liste des créanciers privilégiés, titulaires de suretés publiées, ou liés aux débiteurs par un contrat publié ;
– A la remise de cette liste, le mandataire informe l’ensemble des créanciers de l’ouverture de la procédure collective, et les invite à déclarer leurs créances. S’agissant plus spécifiquement des créanciers titulaires de sureté ou de contrat publié, l’avertissement leur est fait en lettre recommandée ;
– Quelques semaines seulement après l’ouverture de la procédure collective, le jugement est publié au BODACC (de l’ordre de 3 à 4 semaines en moyenne), à la diligence du greffe.
Ainsi, il est extrêmement courant en pratique que l’avertissement donné par le mandataire judiciaire aux créanciers titulaires d’une sureté ou d’un contrat publié, soit antérieur à la publication au BODACC.
Le délai de deux mois courant à compter de l’avertissement personnel reçu, la question qui était posée à la Cour de Cassation est la suivante : pour le cas où le délai de deux mois courant à compter de l’avertissement personnel s’achève avant le délai courant à compter de la publication au BODACC, le créancier titulaire d’un contrat ou d’une sureté publiée bénéficie t-il quand même du délai de droit commun ?
La Cour de Cassation confirme l’esprit du texte décrit ci-avant, en jugeant : « ne peut encourir de forclusion, le créancier titulaire d’une sureté publiée qui a déclaré sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, peu important qu’il ait été averti personnellement avant cette publication par le liquidateur d’avoir à déclarer sa créance ».
Quoiqu’il arrive, tout créancier dispose donc du délai de droit commun de deux mois courant à compter de la publication au BODACC. Le créancier inscrit bénéficie en outre (et non à la place) des délais supplémentaires qui lui sont propres.
La logique est sauve.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats