La forme habituelle d’une brosse à dents ne peut constituer une marque de brosse à dents

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : TPIUE 24 juin 2016 aff. 385/15, société Loops c/ EUIPO

 

La société Loops a présentée une demande d’enregistrement international désignant l’Union européenne pour une marque tridimensionnelle désignant en classe 21 les « brosses à dents » :

 

L’examinateur a refusé l’enregistrement de cette marque, au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, en ce qu’elle se bornait à représenter la forme d’une brosse à dents typique et qu’elle avait également une finalité fonctionnelle, puisqu’elle permettait une meilleure maniabilité et une plus grande souplesse.

 

La requérante a formé un recours auprès de l’Office européen des marques (EUIPO) contre la décision de l’examinateur, en soutenant que la forme de « barre » de sa brosse à dents la distinguerait des autres produits sur le marché, en raison, précisément, de ses caractéristiques uniques.

 

La chambre de recours de l’EUIPO ayant rejeté ce recours, l’affaire a été menée devant le Tribunal de première instance de l’Union européenne.

 

Aux termes de sa décision, le Tribunal rappelle la règle fondamentale visée à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, selon laquelle sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

 

La jurisprudence de l’Union européenne précise de longue date que le caractère distinctif signifie que la marque permet au consommateur moyen d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C456/01 P et C457/01 P, EU:C:2004:258, point 34 ; du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C344/10 P et C345/10 P, EU:C:2011:680, point 42 ; du 15 mai 2014, Louis Vuitton Malletier/OHMI, C97/12 P, non publié, EU:C:2014:324, point 50, et du 18 janvier 2013, FunFactory/OHMI (Vibrateur), T137/12, non publié, EU:T:2013:26, point 15).

 

Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques.

 

Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne.

 

En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative.

 

Il s’ensuit que, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une « variante » de l’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif.

 

En l’espèce, le Tribunal constate que :

 

la marque demandée se présente sous la forme d’une brosse à dents et non, comme le prétend la requérante, d’un croisement entre une brosse et une cuillère à café, ce nonobstant le fait que la tête soit sensiblement moins large que le manche ;

 

la largeur plus ou moins grande du manche répond à la nécessité d’assurer la stabilité de la brosse à dents lors de son utilisation, de sorte que cette caractéristique peut apparaître comme inhérente à la fonction même du produit en cause.

 

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que la marque dont l’enregistrement est demandé se présente sous la forme d’une brosse à dents dont les caractéristiques précédemment mentionnées s’apparentent à des variantes des brosses à dents habituellement disponibles sur le marché, lesquelles ne permettent pas de considérer que ladite marque, dans son ensemble, diverge, de manière significative, des formes habituelles de ce produit.

 

Le recours formé par la déposante est donc rejeté.

 

Cette décision se situe dans la droite ligne de la jurisprudence dégagée récemment par le Tribunal de première instance de l’Union européenne, et notamment du jugement ayant constaté que la forme d’une bouteille de Coca Cola ne présentait pas un caractère distinctif suffisant pour constituer une marque protégée, désignant notamment les bouteilles en verre et en plastique et les boissons non alcoolisées (TPIUE 24 février 2016 aff. 411/14).

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

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