Quand l’indication de provenance d’un produit prohibe l’enregistrement en tant que marque du signe qui l’identifie.

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : Tribunal de l’Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 35/22 Luxembourg, le 23 février 2022

Le gouvernement de la principauté d’Andorre avait déposé une demande d’enregistrement de la marque « Andorra » auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), couvrant les classes 16 « photographies », 34 « tabac », 36 « affaires financières, monétaires ou immobilières », 39 « organisation de voyages », 41 « éducation, formation divertissement, activités sportives et culturelles ».

Cette demande d’enregistrement avait été rejetée par l’EUIPO une première fois en février 2018 puis par la chambre de recours de ce même office en août 2019, celui-ci considérant que ce signe serait perçu comme désignant l’origine géographique des produits et services en question, ou comme le lieu où ces services seraient fournis.

Le requérant fait valoir que, pour refuser l’enregistrement d’un nom géographique en tant que marque de l’Union, un lien doit être établi entre le produit ou le service et le nom géographique en cause, étant donné que ce dernier, considéré individuellement, n’indique pas automatiquement la provenance géographique.

Selon le requérant, Andorre n’étant pas un pays connu pour la production des produits et  services visés, le consommateur ne peut établir aucune relation entre ceux-ci et la zone géographique en cause.

Il convient de rappeler ici que l’article 7-I.c) du Règlement CE du 26 février 2009 prohibe l’enregistrement « des marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

En effet, ces signes ou indications ne permettent pas d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service (OHMI/WRIGLEY, 23 octobre 2003, affaire C‑191/01 P).

Bien au contraire, ces signes présentent avec les produits ou services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir, immédiatement et sans autre réflexion, tout ou partie de leurs caractéristiques.

Au surplus, l’interdiction de déposer de tels signes ou indications permet une utilisation libre par tout intéressé qui ne peut procéder à une forme d’appropriation.

Le gouvernement de la principauté d’Andorre considère que le lieu de commercialisation ou d’acquisition d’un service ou d’un produit n’est pas un élément de rattachement entre celui-ci et le lieu concerné et n’est pas descriptif d’une des propriétés de ce produit ou de ce service, à moins qu’il n’existe un lien notoire et largement connu entre ce lieu et les produits ou services en cause.

Il soutient donc que la décision de l’EUIPO ayant manqué d’identifier de tels liens notoires entre la marque demandée et les produits et services visés par cette marque, celle-ci devrait être annulée.

Dans son arrêt du 23 février 2022, le TUE se livre alors à l’examen du caractère descriptif de la marque demandée par rapport aux produits et services en cause.

Le Tribunal cherche donc à établir, d’une part, si le terme géographique constituant la marque demandée est compris comme tel et connu par le public pertinent et, d’autre part, si ce terme géographique présente, actuellement, aux yeux du public pertinent, un lien avec les produits et les services revendiqués ou si un tel lien pourrait raisonnablement être établi dans l’avenir, suivant en cela sa propre jurisprudence (20 juillet 2016, SUEDTIROL, affaire T‑11/15, EU:T:2016:422, point 39).

Le Tribunal en conclut que le déposant n’est pas parvenu à remettre en cause les appréciations de l’EUIPO concernant le caractère descriptif de la marque demandée par rapport aux produits et services en cause et que c’est à bon droit que l’EUIPO a estimé que cette marque ne pouvait, dès lors, être enregistrée en tant que marque de l’Union européenne.

Il considère en outre que le signe en cause était dépourvu de tout caractère distinctif, puisqu’il informe simplement d’une origine géographique, et non de l’origine commerciale des produits et services visés.

En conséquence, le recours formé par les autorités andorranes est à nouveau rejeté.

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