Un banquier n’est pas un Conseil en investissements financiers

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

 

SOURCE : Cass com 13/01/2015, n° 13-25.856 (Inédit)

 

La rédaction de VIVALDI-Avocats plaide coupable. La décision commentée n’est pas à proprement parler une « news », mais à y réfléchir cette décision, inédite en ce qu’elle confirme un principe clairement posé par la Cour de Cassation, méritait d’être citée « pour mémoire ».

 

A la base, un associé dirigeant malheureux qui à la suite de la liquidation judiciaire de sa société, tente d’obtenir la responsabilité de l’établissement bancaire, au motif que celui-ci aurait dû être conseillé sur le montage financier approprié.

 

Le dirigeant malheureux faisait grief à l’établissement bancaire de lui avoir proposé le financement de l’outil de production par un crédit-bail, alors que selon lui, un crédit remboursable in fine aurait été « mieux adapté à une société en début d’activité ».

 

L’argument était teinté d’une certaine perversion. Même si nous ne cessons de dénoncer les inconvénients liés à un financement par le crédit-bail, celui-ci a au moins le mérite de faciliter l’investissement par la « sûreté propriété » conservée par le banquier, là où un prêt classique n’aurait vraisemblablement pas passé le cap des comités de risque des établissements bancaires.

 

Ainsi, notre dirigeant pensait-il qu’il était préférable d’emprunter au banquier, puis de déposer l’état de cessation des paiements pour obtenir l’imposition d’un moratoire judiciaire, plutôt que d’avoir à souffrir postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, le paiement des loyers jusqu’au terme du crédit-bail[1].

 

Cette thèse n’ayant pas reçu l’accueil souhaité par les juridictions du fond, notre dirigeant s’est pourvu en cassation, laquelle rejette son pourvoi avec un attendu qu’il convient de noter dans ses tablettes : « (…) Sauf dispositions légales ou contractuelles contraires, la banque n’est pas tenue à une obligation de conseil à l’égard de son client et n’est susceptible d’engager sa responsabilité que dans le cas où elle lui a fourni un conseil inadapté à sa situation dont elle a connaissance ; qu’après avoir relevé que la banque n’avait pas été consultée pour réaliser le plan de financement de la société, l’arrêt en a exactement déduit qu’elle n’avait pas de conseil à donner à ce sujet. »

 

Autrement dit, la banque qui octroie un prêt n’est pas tenue de conseiller le montage financier le plus approprié. Elle doit en revanche vérifier la capacité de remboursement de l’emprunteur, et peut se fier pour ce faire aux documents qui lui ont été remis.

 

Cette jurisprudence n’est qu’une désillustration d’une obligation de non-immixtion du banquier dans les affaires de son client[2].

 

En revanche, la banque doit toujours vérifier que l’opération de crédit ne présente pas un risque pour l’emprunteur au regard de sa capacité au remboursement[3].

 

C’est ce que rappelle à nouveau l’arrêt ici commenté « (…) que lui de retenir que la banque avait pu valablement s’en tenir au business plan remis par la société, la Cour d’Appel a analysé l’ensemble des conditions ayant présidé à l’octroi du crédit. »

 

On se souviendra également que lorsque le risque existe, la banque a bien entendu une obligation de mise en garde. Lorsque ce risque est important, cette obligation de mise en garde doit aller jusqu’à ne pas octroyer le prêt… et non pas à multiplier les sûretés réelles et personnelles pour amenuiser le risque.

 

Eric DELFLY

VIVALDI-Avocats

 


[1] Etant ajouté que selon un principe constant posé par la Cour de Cassation, le crédit-bail ne pouvait être levé que si la totalité des mensualités, en ce compris celles antérieures à l’ouverture de la procédure collective, avaient été réglées.

[2] Cass com 11/05/1999, n° 96-13.441 ou cass com 13/12/2005, n° 04-14.448 ou encore cass com 27/11/2012, n° 11-19.311

[3] Cass 1e civ 12/07/2005, n° 03-10.921

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