Droit social et management RH

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

  

Une conférence petit-déjeuner a eu lieu le 23 avril 2015 chez VIVALDI – AVOCATS, animée par Franck MAES, conseil de direction et enseignant au groupe EDHEC (ancien DRH), et Christine MARTIN, avocate associée.

 

Ont été abordées les relations employeurs-salariés au travers de 2 angles complémentaires:

 

1) Les entretiens face aux évolutions du travail liées au numérique;

 

2) La variété des entretiens au regard du droit social.

 

En effet s’intéresser aux relations employeurs / employés nécessite de regarder ce que devient le travail salarié (clients connectés, refonte de processus, collaboratif…), mais aussi la prise en compte de ces mutations par le droit. L’idée sous-entendue, comme pour les autres conférences, étant que certaines nouveautés juridiques peuvent aider à améliorer le management des salariés.

 

1) Concernant les entretiens face aux évolutions du travail liées au numérique

 

Les entretiens sont un moyen de la relation employeur-salarié, alors que l’objet de cette relation est constitué par le travail et sa rémunération. Mais ce moyen doit être combiné avec d’autres : les contrats et accords collectifs (par ex une classification des emplois), dans le cadre desquels les activités de « travail » sont convenues et rémunérées.

 

A la base de tout entretien il y a donc la façon dont le travail a été explicité (niveau de précision, part de tacite), sachant que ses évolutions ne sont pas toujours clairement mentionnées ni même évoquées.

 

Il s’agit donc de dialoguer, à partir de documents concernant le travail à réaliser, mais aussi en en produisant. Parmi d’autres grilles d’analyse (critères de cotation…), ou en complément, il semble utile de distinguer deux axes :

 

1) Le contenu du travail : exercer l’activité prévue, les taches du « métier »;

 

2) Les relations du travail : interagir en équipe, ou entre équipes, et avec des machines, de plus en plus via des TIC (idée de travailleurs connectés)

 

Le numérique contribue à modifier la combinaison entre ces deux axes : éventuelle variation des aspects « contenu », et / ou besoin de plus de synergie entre des activités, de coopérer selon des processus qui fixent la circulation et le traitement des informations (par ex réservations, commandes…). Il faut noter que ces processus ne correspondent pas toujours aux emplois.

 

Cela tend à accentuer l’écart entre travail prescrit (plus ou moins bien décrit dans les documents) et travail « réel » : ce qui a lieu dans les faits, la charge effective… L’organisation du travail change, certaines tâches et/ou façons de les répartir ne sont plus pertinentes (transversalité…). Par exemple le cross canal conduit à de nouvelles façons de conseiller et de vendre.

 

Les mutations du travail posent donc la question de la validité des documents, et les entretiens sont utiles pour limiter les risques de « malentendus » quant au travail demandé.

 

De plus il a été rappelé que :

 

S’il y a modification du contrat, alors il faut obtenir le consentement du salarié

 

Si le changement ne concerne que les conditions de travail, alors il suffit d’une estimation réaliste de la charge, parfois plus facile avec un entretien

 

Enfin les entretiens sont au cœur des enjeux d’évaluation, qui depuis quelques années sont impactés par ces changements. Par ex, à certaines conditions (strictes) il devient envisageable d’évaluer les compétences en termes de clairvoyance et d’imagination…

 

2) Concernant la variété des entretiens au regard du droit social

 

En préalable il a été indiqué que la liberté d’expression (droit individuel fondé sur les libertés civiques dont jouit le salarié dans et hors de l’entreprise) ne doit pas être confondue avec le droit d’expression, qui est un droit collectif reconnu aux salariés de s’exprimer sur les conditions de travail.

 

On peut distinguer deux types d’entretiens : ceux qui relèvent du domaine disciplinaire et ceux qui sont hors champ disciplinaire.

 

2.1 Les entretiens disciplinaires, principalement entretiens préalables à sanction ou au licenciement, se distinguent par des droits de la défense renforcés pour les salariés destinés à s’assurer qu’ils ont pu faire valoir leurs observations sur les reproches qui leur sont faits. C’est ainsi que les salariés peuvent se faire assister lors de tels entretiens, soit par une personne extérieure à l’entreprise (conseiller salarié) soit par un membre du personnel (élu ou non).

 

L’entretien préalable à la signature d’une rupture conventionnelle est assorti des mêmes droits de la défense afin que le salarié donne son accord à la rupture du contrat de travail en pleine connaissance de cause, hors tout vice du consentement.

 

2.2 Les entretiens non disciplinaires ont lieu tout au long de la relation de travail.

 

2.2.1 La nouveauté en la matière est que la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle a rendu obligatoire l’entretien professionnel tous les 2 ans, outre un entretien périodique tous les 6 ans.

 

Cet entretien professionnel, qui est différent de l’entretien d’évaluation, aura pour objet d’examiner les perspectives professionnelles du salarié en termes de qualification et d’emploi.

 

L’entretien périodique permettra de récapituler le parcours professionnel du salarié et de vérifier s’il a bénéficié de formations ou d’une progression salariale ou professionnelle.

 

Ces entretiens devront obligatoirement faire l’objet d’un compte rendu dont un exemplaire devra être remis au salarié.

 

Les entreprises de plus de 50 salariés ne respectant pas ces obligations se verront infliger des sanctions en termes d’abondement correctif du compte personnel de formation de chaque salarié.

 

En outre, certains événements de la vie du salarié doivent désormais donner lieu à un entretien professionnel spécifique dès le retour au travail du salarié : retour de congé maternité, parental ou d’adoption, retour de longue maladie, de congé de soutien familial ou sabbatique, retour de mandat syndical.

 

2.2.2 Par ailleurs, de plus en plus d’entreprises mettent en place un système d’évaluation des salariés.

 

Cette mise en place doit être nécessairement précédée de l’information des représentants du personnel (DP, CE et CHSCT), de l’information individuelle ou collective des salariés et d’une déclaration à la CNIL. Si l’entretien d’évaluation n’est légalement pas obligatoire, celui-ci tend à s’imposer car seule une évaluation correctement normée permet de justifier les différences de traitement entre les salariés, ce qui permet à contrario de justifier de l’absence de discrimination.

 

2.2.3 Enfin, l’attention a été attirée sur le cas particulier des salariés soumis au forfait annuel jours.

 

Ces derniers doivent obligatoirement faire l’objet d’un entretien individuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre vie privée et vie professionnelle, la rémunération.

 

La Cour de Cassation fait la chasse aux conventions de forfaits qui ne comportent pas de mesures destinées à favoriser la santé et la sécurité du salarié en s’assurant du respect des durées maximales de travail, du respect des repos journaliers et hebdomadaires, du caractère raisonnable de l’amplitude et de la charge de travail, d’une bonne répartition du travail dans le temps.

 

Elle a ainsi invalidé les conventions de forfaits figurant dans certaines conventions collectives. La sanction est lourde car l’invalidation d’une convention de forfait ou son exécution défectueuse entraine l’application du régime des heures supplémentaires.

 

Le Club VIVALDI, Franck MAES et Christine MARTIN, vous donnent rendez-vous pour leur prochaine réunion, date à suivre bientôt !

 

N’hésitez-pas à nous faire part de vos suggestions sur les thèmes que vous souhaiteriez voir abordés.

 

Franck MAES  Christine MARTIN

 

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