Salarié conseiller prud’homal : ne pas informer l’employeur de sa réélection, c’est perdre le droit au statut protecteur.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 30 septembre 2015, Arrêt n° 1554 FS-P+B (n° 14-17.748).

 

Une salariée avait été engagée le 21 février 2003 en qualité de directeur administratif à temps partiel, puis ayant travaillé à temps plein à compter du 1er janvier 2004 et exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable d’établissement de deux maisons de retraite, avait signé avec son employeur une convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail qui a pris effet le 30 septembre 2010.

 

La salariée a ensuite saisi la Juridiction Prud’homale en paiement de diverses sommes et déboutée par les Premiers Juges, elle va interjeter appel à l’effet de faire juger qu’elle avait été victime d’une discrimination salariale, que la rupture était nulle car non autorisée par l’Inspection du Travail et qu’elle avait effectué des heures supplémentaires impayées.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de DIJON va, dans un Arrêt du 20 mars 2014, débouter la salariée en confirmant intégralement le Jugement entrepris, considérant :

 

– que les éléments fournis par la salariée ne permettaient pas de caractériser une inégalité de rémunération,

 

– que la salariée, qui n’avait pas averti son employeur de sa réélection en 2008 et qui n’avait pas d’avantage évoqué le mandat de conseiller prud’homal lors la rupture conventionnelle et qui, en outre, n’établit pas que l’employeur en avait été avisé par d’autre voie, ne peut donc se prévaloir du bénéfice du statut protecteur,

 

– et que les éléments fournis par la salariée qui était autonome, n’avait pas d’horaire fixe, organisait ses journées comme elle le souhaitait et ne renseignait pas son employeur de ses absences, a produit au soutien de ses prétentions, en matière d’heures supplémentaires, des décomptes effectués par elle-même à partir de ses agendas personnels sur lesquels sont simplement notées des heures de début ou de fin de journée, sans que soit mentionné le nombre d’heures travaillées et qui ne sont corroborés que par des attestations de directeurs d’établissement ayant trait à leurs propres horaires et de manière générale à la charge importante de travail à de tel poste et non aux conditions de travail réelles de la salariée, n’ont pas permis à la Cour d’acquérir la conviction que la salariée ait effectué des heures supplémentaires.

 

Par suite, la salariée forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, la salariée fait grief à l’Arrêt d’Appel :

 

– d’avoir méconnu le principe à travail égal, salaire égal,

 

– d’avoir considéré que la salariée ne pouvait pas se prévaloir du statut protecteur, alors que l’employeur avait connaissance du mandat initial de la salariée lors de la signature de son contrat de travail en 2003 et que faute d’information ultérieure de la salariée concernant un changement dans sa situation, il était supposé considérer que ce mandat était toujours en vigueur lors de la rupture conventionnelle du contrat et par tant, sensé avoir connaissance du mandat protecteur de la salariée lors de cette rupture,

 

– et enfin d’avoir considéré que les décomptes produits par la salariée ne constituaient pas des éléments de preuve suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés.

 

Examinant les motifs de la salariée, la Chambre Sociale,

 

si elle casse et annule l’Arrêt d’Appel, mais seulement en ce qu’il déboute la salariée de ses demandes en paiement de rappel de salaires pour heures supplémentaires, considérant que les décomptes produits constituaient des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés, de sorte que la demande de la salariée était étayée et qu’il appartenait à l’employeur d’y répondre,

la Chambre Sociale va toutefois rejeter le pourvoi de la salariée sur le fondement de l’inégalité de traitement, dont elle estime que la pertinence du panel de comparaison est appréciée souverainement par des Juges du fonds,

mais aussi, et surtout, la Chambre Sociale va également rejeter le pourvoi relevant que le mandat de la salariée avait été renouvelé lors des élections du 03 décembre 2008 et qu’elle n’avait pas, au plus tard, au moment de la rupture conventionnelle, informé son employeur de cette réélection et qu’elle n’établissait pas non plus que l’employeur en avait été avisé par d’autres voies, de sorte que la salariée ne pouvait se prévaloir de la protection attachée à son mandat.

 

La précision est intéressante au regard des circonstances de faits de l’espèce.

 

En effet, la salariée était déjà conseiller prud’homal au moment de son embauche et le contrat de travail indiquait que la société reconnaissait avoir été informée par la salariée de ses fonctions de Juge auprès de la Juridiction Prud’homale. En outre, le contrat précisait que la salariée devrait avertir son employeur de tout changement dans sa situation personnelle.

 

En l’occurrence, la salariée avait considéré que le renouvellement de son mandat n’apportait pas un changement dans sa situation personnelle et n’avait pas cru bon d’avertir officiellement son employeur du renouvellement de mandat. Ce n’est pas la position des Juges, ni même celle de la Cour de Cassation qui considère au contraire que le maintien de la salariée dans ses fonctions de conseiller prud’homal par l’effet du renouvellement de son mandat constitue un changement dans sa situation personnelle dont il y avait lieu d’avertir l’employeur officiellement afin de pouvoir bénéficier du statut protecteur conféré aux salariés représentants du personnel.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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