Acceptation tacite du renouvellement et droit d’option

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 16 septembre 2015, n°14-20461, FS – P+B

 

A l’expiration de la durée du bail, le bailleur peut valablement refuser le renouvellement du bail, sauf à devoir s’acquitter au profit du locataire évincé d’une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement[1].

 

Cette opportunité n’est toutefois possible que tant que le bail est en cours, c’est-à-dire qu’il n’a pas été renouvelé par l’effet d’un congé ou d’une demande de renouvellement, émanant du preneur à bail, acceptée ou non contestée par le bailleur au terme d’une durée de trois mois.

 

L’article L145-57 alinéa 2 du Code de commerce permet toutefois au bailleur, qui a expressément ou tacitement accepté le renouvellement du bail, « d’opter » pour la résiliation du bail et le paiement d’une indemnité d’éviction au « cours de l’instance en fixation de loyer et en dernier lieu dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision devenue définitive »[2] et même avant toute saisine du juge des loyers[3].

 

A défaut d’accord sur le prix, le bail est donc renouvelé provisoirement, tant que les délais pour exercer le droit d’option ne sont pas écoulés :

 

En l’espèce, un bailleur ne répond pas dans les trois mois à la demande de renouvellement formulée par ses preneurs à bail mais délivre dans le délai biennal un congé refus de renouvellement pour motif grave et légitime.

 

Sur une lecture tronquée de l’article L145-11 du Code de commerce, combinée aux dispositions de l’article L145-10, la Cour d’appel de Reims retient qu’à défaut d’avoir discuté le loyer dans une réponse à la demande de renouvellement, le bailleur est réputé, à l’échéance des trois mois, avoir accepté tout autant le renouvellement du loyer que le loyer proposé par les preneurs.

 

En effet, le texte ne dit pas que le loyer de renouvellement est réputé accepté à défaut pour de faire connaître le loyer qu’il propose, mais qu’à défaut d’y procéder « le nouveau prix n’est dû qu’à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d’Etat ».

 

La sanction d’une telle négligence du bailleur est donc cantonnée à retarder le point de départ du nouveau loyer.

 

L’arrêt est cassé sur une difficulté procédurale[4], La Cour de cassation renvoyant le litige devant la Cour d’appel de Reims, autrement composée.

 

La Cour d’appel de renvoi maintient sa position, (ce qui lui était certes loisible de faire puisque le moyen de la demanderesse au pourvoi n’avait pas été analysé) exposant nécessairement sa décision à la censure sur le fondement des articles L145-10 et L145-57 du Code de commerce :

 

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’acceptation de principe du renouvellement du bail résultant de l’absence de réponse du bailleur à une demande de renouvellement formée par son locataire ne présente qu’un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à l’exercice ultérieur du droit d’option du bailleur qui refuse le renouvellement du bail en offrant le paiement d’une indemnité d’éviction, la cour d’appel a violé les textes sus-visés »

 

L’affaire est donc renvoyée devant la Cour d’appel de Paris.

 

Le bailleur parviendra-t-il à obtenir le non renouvellement du bail ? Rien n’est moins sûr.

 

En effet, si l’on peut admettre, au regard de l’évolution de la position de la Cour de cassation sur le sujet[5], que le droit d’option peut s’exercer même en l’absence de discussion sur le montant du loyer de renouvellement, comme (a priori) en l’espèce, il n’en demeure pas moins qu’en l’état de la jurisprudence, les droits d’options « conditionnels » ne sont pas valable.

 

Il résulte en effet d’un arrêt du 14 novembre 2007[6], rendu sur substitution de motif, que n’est pas exercé valablement, en ce qu’il est dépourvu de caractère irrévocable, le droit d’option « sous la réserve des pourvois en cassation formés contre les arrêts des 19 mars 1991 et 10 mars 1992 et des décisions à intervenir ».

 

Tel pourrait être le cas en l’espèce, l’option exercée prenant la forme d’un congé refus de renouvellement pour motif grave et légitime « invoquant la possibilité tant qu’une décision judiciaire définitive n’est pas acquise concernant le renouvellement du bail, de notifier un congé avec refus de renouvellement du bail ».

 

Une telle formulation permettra-t-elle au congé de revêtir la forme du droit d’option ? La Cour d’appel de Paris tranchera.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats 

 


[1] Article L145-14 du Code de commerce

[2] Cf 3ème civ, 11 décembre 2013, n°12-29020, FS-P+B+I et notre article Vivaldi chronos du 15 janvier 2014

[3] 3ème civ, 23 mars 2011, n°06-20488 ; 3ème civ, 9 octobre 1974, n°73-11561

[4] 3ème civ, 3 avril 2012, n°11-10492

[5] 3ème civ, 21 janvier 2014, n°12-27.184 contrat : 3ème civ, 2 décembre 1992, n°90-18.844 ; 3ème civ, 12 juin 2003, n°02-11.493, Publié au bulletin ; 3ème civ, 12 octobre 2004, n°03-14.634

[6] 3ème civ, 14 novembre 2007, n°06-16.063

 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article
Vivaldi Avocats