Cautionnement, mentions manuscrites obligatoires et ordre public international

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. Civ. 1ère 2 déc. 2015, n°14-25.147, F-P B I

 

En l’espèce, l’associé d’une société saoudienne se porte caution en garantie d’un prêt consenti celle-ci par une banque française. La société défaillante, la caution est appelée en garantie. En défense, la caution oppose la nullité de sa garantie, faute de ne pas respecter les dispositions impératives du Code de la consommation relatives aux mentions manuscrites du cautionnement.

 

En application de la clause d’arbitrage insérée dans le contrat de cautionnement, une procédure est engagée devant la Chambre de commerce internationale, qui condamnera la caution en paiement. Sur le fondement de l’article 1520, 5° du Code de procédure civile, un recours en annulation est formé contre la sentence arbitrale, au motif qu’une telle décision ne peut être exécutée en France, puisque l’acte de cautionnement viole les dispositions impératives les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation, et par conséquent se trouve être contraire à l’ordre public international. La Cour d’appel de Paris rejettera le recours en annulation.

 

Un pourvoi en cassation est formé contre cette décision, que la Cour de cassation rejettera pour juger que les dispositions des articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation édictent des normes dont la méconnaissance, à la supposer établie, n’est pas contraire à l’ordre public international.

 

Ordre public international ne rime donc pas avec ordre public interne. En d’autres termes, des dispositions d’ordre public interne, et donc non dérogeables par principe, peuvent valablement être écartées dans le cadre de relations transfrontières. En effet, l’ordre public international n’intéresse que les règles indispensables à la défense des intérêts vitaux de l’Etat considéré, ou qui traduisent un intérêt de bien commun à faire prévaloir dans les relations contractuelles internationales[1].

 

En matière de cautionnement, il a déjà été jugé que l’article L.341-4 du Code de la consommation, qui interdit à un créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement disproportionné donné par une personne physique, ne relève pas de la conception française de l’ordre public international, de sorte que le juge français peut donner l’exequatur à un jugement étranger méconnaissant cette règle[2].

 

La Cour de cassation a pu juger également que les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation ne constituent pas des lois de police, car les mentions prévues par ces textes étant destinées à assurer une meilleure protection de la personne qui s’engage, il ne s’agit pas de lois dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation, quelle que soit la loi applicable[3].

 

Ainsi, si les articles L.341-2, L.341-3 et L.341-4 du Code de la consommation sont ainsi une composante de l’ordre public de protection en matière interne, ils ne comptent pas parmi les principes fondamentaux que regroupe l’ordre public international. 

 

La décision rendue par la Haute juridiction est la bienvenue, en ce sens qu’elle permet d’écarter toute mauvaise foi éventuelle du garant qui, tout à coup, découvrirait les bienfaits du droit de la consommation français…

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. Civ.1ère 14 mars 1984, n°82-16.765 ; Cass. Civ. 1ère 8 juill. 2010, n°08-21.740

[2] Cass. Civ.1ère, 30 janv. 2013, n°11-10.588

[3] Cass. Civ.1ère, 16 sept. 2015, n°14-10.373

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article
Vivaldi Avocats