Action en restitution et créancier fautif : la décharge de la caution

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Si la demande de restitution d’un bien, objet d’un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce, ne constitue qu’une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l’article 2314 du Code civil, si, en s’abstenant d’exercer l’action en restitution, il prive la caution d’un droit qui pouvait lui profiter

Source : Cass.Com., 8 novembre 2023, n°22-13823, n°711 B

Une société conclut un contrat de crédit-bail et donne en garantie le cautionnement d’un couple par acte séparé.

La liquidation judiciaire du crédit preneur entrainera une action à l’encontre des cautions par le crédit bailleur.

Les cautions font valoir en défense le défaut d’admission de la créance du crédit preneur, la disproportion manifeste de l’engagement de caution, mais également l’exception de subrogation.

La Cour de cassation ne suivra pas le raisonnement des cautions et indiquera au regard des dispositions des articles 2314 du Code civil, L624-10 et R624-14 du Code de commerce que : 

« 5. Aux termes du premier de ces textes, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution.


6. Aux termes du deuxième, le propriétaire d’un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet d’une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.


7. Selon le troisième, lorsque le contrat portant sur un bien a fait l’objet d’une publicité, le propriétaire de ce bien peut en demander la restitution par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur, s’il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur. Une copie de cette demande est adressée au mandataire judiciaire. A défaut d’accord dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu’il soit statué sur les droits de ce dernier.
 »

Il en résulte que : 

« 8. Il en résulte que si la demande de restitution d’un bien, objet d’un contrat publié, fondée sur les articles L. 624-10 et R. 624-14 du code de commerce ne constitue qu’une faculté pour le propriétaire de ce bien, ce dernier, lorsque sa créance est par ailleurs garantie par un cautionnement, commet une faute, au sens de l’article 2314 du Code civil, si, en s’abstenant d’exercer l’action en restitution, il prive la caution d’un droit qui pouvait lui profiter. 

(…)

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en omettant de poursuivre la restitution du matériel, objet du contrat de crédit-bail, dans les conditions prévues à l’article R. 624-14 du code de commerce, la société Sogelease n’avait pas fait perdre aux cautions un droit qui pouvait leur profiter, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Dès lors, si la restitution reste une faculté pour le créancier, il ne doit pas oublier qu’en cas de garantie par un cautionnement, il ne doit pas lui faire perdre de droit, à défaut, il commettrait une faute. Le créancier doit alors juger de la bonne opportunité ou pas d’entamer une action en restitution.

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article