Source : Cass. civ. 2ème, 11 janvier 2018, n°15-27.941, F-P+B
I – Les faits
Dans le cadre d’une saisie immobilière diligentée par une banque à l’encontre d’un débiteur héritier, un jugement d’orientation, réputé contradictoire, a ordonné la vente forcée du bien saisi.
Le débiteur a fait appel de la décision (il ne s’était ni déplacé, ni fait représenter), pour reprocher notamment au juge de l’exécution de ne pas avoir soulevé d’office la prescription biennal du titre exécutoire (prêt immobilier relevant du Code de la consommation).
La cour d’appel a déclaré ces contestations et demandes incidentes formulées après l’audience d’orientation irrecevables, au visa de l’article R.322-15 du Code des procédures civiles d’exécution. Elle a confirmé le jugement dont appel en toutes ses dispositions. Le débiteur a saisi la Cour de cassation de la question.
II – Le pourvoi
Selon le débiteur, en matière de crédit immobilier soumis au Code de la consommation, le juge peut relever d’office la prescription biennale, ce dont il résulte que le juge de l’exécution chargé des saisies immobilières doit s’assurer à l’audience d’orientation, lorsque les éléments du dossier le permettent, que la prescription n’est pas acquise au débiteur. A défaut, il violerait les articles R. 322-15 du Code des procédures civiles d’exécution et R.632-1 du Code de la consommation.
La Haute juridiction ne le juge pas ainsi, et rejette le pourvoi, en rappelant d’abord que des contestations postérieures à l’audience d’orientation sont irrecevables, sauf à remettre en cause des actes de procédure postérieurs à celle-ci, et en énonçant ensuite qu’aucun des textes visés par le débiteur ne fait obligation au juge de l’exécution de soulever d’office ce moyen de droit.
III – Les pouvoirs juridictionnels du juge de l’exécution
Cet arrêt précise un peu plus la liste des pouvoirs du juge de l’exécution. Il ne viendra pas en conséquence compléter la liste de ses devoirs. C’est un classique en matière d’office juridictionnel, entre ce que le juge peut ou doit faire.
S’agissant du juge de l’exécution, il a par exemple le devoir de déclarer irrecevable des contestations formées pour la première fois en appel, présentées après l’audience d’orientation et portant sur le commandement valant saisie[1]. Ici, il doit.
Le juge de l’exécution n’étant pas tenu de relever d’office le dépassement du délai pour assigner à l’audience d’orientation, le moyen invoquant cette cause de caducité du commandement est irrecevable, lorsqu’il est formulé après l’audience d’orientation[2]. Ici, il peut.
Au cas présent, la Cour précise que la prescription biennale de la créance fondant la saisie immobilière peut être soulevée d’office par le juge de l’exécution, mais cela ne demeure qu’une possibilité, pas une obligation. La décision doit être approuvée à plusieurs titres :
– Premièrement, le juge de l’exécution n’a pas à pallier les carences du débiteur, qui a fait le choix de ne pas constituer avocat ;
– Deuxièmement, aucun texte du Code des procédures civiles d’exécution n’impose au juge de l’exécution de soulever d’office ce moyen de droit ;
– Troisièmement, à admettre que le prêt immobilier litigieux relève du droit de la consommation, l’ancien article L.141-4 du Code de la consommation précise que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application, et notamment l’ancien article L.137-2 du Code de la consommation sur la prescription biennale. Même le Code de la consommation prévoit une faculté, non une obligation.
La cohérence est donc préservée.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. civ. 2ème, 11 mars 2010, n°09-13.312
[2] Cass. civ. 2ème, 31 janvier 2013, n°12-12.670