Action en nullité d’une cession de parts sociales : prescription entre époux et faux bilan

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.Civ.3., 30 novembre 2017, n° 15-22861, n° 1240 FS-P+B+I

               Cass.Com., 30 mars 2016, n° 14-11684 FS-P+B

 

La jurisprudence sur la cession de parts au sein d’une SCI est riche en ce qu’elle touche de nombreux pans du droit.

 

Ainsi, on retrouve aisément le thème de la cession de parts et plus particulièrement de la demande en nullité de la cession de parts sociales. De nombreux motifs sont évoqués, deux seront abordés :

 

– La nullité de cession de parts sociales pour vileté du prix au sein d’un couple ;

 

– La cession de parts à l’appui d’un faux bilan.

 

I – La nullité de cession de parts sociales pour vileté du prix au sein d’un couple.

 ;

Une épouse vend à son mari (mariage sous le régime de la séparation de biens) des parts de SCI dont ils sont d’ores et déjà tous deux associés.

 

Le prix de cession entrainera une action en nullité de cession des parts sociales pour vileté du prix.

 

Soutenant que cette action est intervenue plus de cinq ans après la cession, le mari fondera sa défense sur la prescription de l’action de son épouse.

 

La Cour de cassation ne l’entendra pas de cet avis et précisera « Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que les dispositions de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, prévoyant la suspension de la prescription entre époux, s’appliquent à l’action en nullité d’une cession de parts intervenue entre des époux associés d’une société civile immobilière ».

 

La Cour annulera la cession de parts intervenue à raison du vil prix.

 

Alors que l’optimisation fiscale est devenue aujourd’hui une règle, le rappel de cette règle nécessitera une attention particulière lors du divorce du couple marié.

 

II – La cession de parts sociales à l’appui d’un faux bilan.

 

Le dol est également régulièrement évoqué au sein des murs du Palais du quai de l’Horloge.

 

En effet, le cédant est tenu à une obligation de loyauté et de transparence. Aussi bien, la dissimulation d’informations, notamment par la production d’un faux bilan, est-elle constitutive d’un dol provoquant la nullité de la cession de parts ?

 

Le dol est rappelé par l’article 1116 du Code civil qui précise :

 

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

 

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »

 

Le dol est donc une cause de nullité d’un contrat quand une partie a pratiqué des manœuvres ayant conduit l’autre partie à contracter indument. La connaissance de la vérité des faits par l’autre partie l’aurait conduit à contracter à des conditions différentes ou à ne pas contracter.

 

Le dol est également la réticence dolosive qui est une violation de la bonne foi et de la loyauté à rapprocher avec l’obligation précontractuelle d’information.

 

Dans le cas de la cession de parts, la Cour a pu préciser « Mais attendu qu’ayant constaté que les consorts X… avaient, par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à la société NUMP les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire, lequel n’avait pas été mis en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de cette société, n’a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en décidant que les réticences dolosives imputables aux cédants entraînaient la nullité de la cession ; que le moyen n’est pas fondé ».

 

Le cédant avait donné une image trompeuse de la SCI par la communication de chiffres erronés provoquant la tromperie du cessionnaire.

 

Pour mémoire, le dol rend toujours l’erreur excusable. Autrement dit, c’est une représentation inexacte de l’objet de l’obligation à défaut de laquelle la personne dont le consentement et vicié n’aurait pas contracté.[1]

Deux actions découleront du dol :

 

– L’action en nullité : c’est l’action en nullité pour vice du consentement. Il s’agit d’une nullité relative (seule la personne ayant subi le dol pourra intenter une action ;

 

– L’action en responsabilité : action qui ne vise pas à demander la nullité de la cession, mais la réparation du préjudice subi par l’allocation de dommages-intérêts.

 

On peut le remarquer, si la SCI est aujourd’hui un mécanisme d’investissement convoité, la jurisprudence montre qu’il existe un contentieux lourd concernant les actions entourant les cessions.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats.


[1] Cass.Civ.3., 21 février 2001, n° 98-20817

 

 

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