Paiement anormal et nullité de plein droit de la période suspecte

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com. 05/02/2013 n°11-28.364, numéro 115 D

 

En matière de procédures collectives, la période suspecte est la période qui court de la date de l’état de cessation des paiements, fixée par le Tribunal dans le jugement d’ouverture, jusqu’à la date dudit jugement.

 

En effet, au cours de cette période, le dirigeant est réputé ne pas avoir pu ignorer l’état de cessation des paiements de sa société. Corrélativement, tous les règlements qu’il a effectué au cours de cette période sont susceptibles de l’avoir été au bénéfice de certains créanciers au détriment d’autres, afin d’éviter d’avoir à respecter le principe d’égalité stricte entre les créanciers qui devient la règle dès que la procédure collective est ouverte.

 

Pour remédier à cette difficulté, le législateur a fourni aux organes de la procédure les moyens d’attaquer les actes anormaux, par le mécanisme dit des nullités de la période suspecte.

 

Selon l’acte suspect, la nullité peut être soit de droit (dès que le mandataire en demande l’annulation, le Juge Commissaire doit annuler l’acte sans avoir à s’interroger sur sa pertinence économique) ou non (dans ce dernier cas, le Juge Commissaire doit caractériser dans sa décision d’annulation de l’acte litigieux le fait que celui-ci a été passé en violation des droits des créanciers).

 

L’Arrêt commenté porte sur la possibilité d’annuler un paiement réalisé par le débiteur, au cours de la période suspecte, par « un mode de paiement anormal ».

 

En effet en l’espèce, le débiteur avait procédé au règlement d’une dette en utilisant le mécanisme de la délégation de paiement.

 

Les Juges du fond ont considéré qu’il s’agissait là d’un mode de paiement anormal, et que dès lors l’acte était annulable de plein droit.

 

La Cour de Cassation censure la décision : en effet, le paiement anormal n’est visé par la nullité de droit de l’article L632-1 du Code de Commerce que s’il constitue un mode non communément admis dans les relations d’affaires.

 

En d’autres termes, il s’agit effectivement d’une manière peu commune de procéder au paiement d’une créance, mais qui, sur le marché spécifique de ce débiteur, était communément admise.

 

Il ne s’agit donc pas là d’un cas de nullité de plein droit.

 

Peu importe dès lors qu’il aboutisse à rompre le principe d’égalité entre les créanciers.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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