La présomption d’innocence ne peut faire échec à la procédure disciplinaire engagée par l’employeur à l’encontre du salarié.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 13 décembre 2017, n° 16-17.193 (FS-P+B).

 

Un salarié exerçant les fonctions d’assistant spectacle au sein d’un parc d’attraction a été entendu dans le cadre d’une affaire pénale où plusieurs salariés du parc avaient été interpelés et mis en examen au printemps 2013 dans le cadre de la mise à jour d’un trafic de stupéfiants au sein même du parc d’attraction.

 

Dans le cadre de cette enquête, plusieurs salariés avaient été interpellés et mis en examen dont le salarié concerné au cas d’espèce.

 

Par ordonnance du 29 mai 2013, la constitution de partie civile du parc d’attraction a été déclarée recevable et une copie du dossier pénale lui a été communiquée par l’intermédiaire de son avocat.

 

Il ressortait des pièces communiquées que le salarié avait été convoqué et entendu par les services de police qui l’avaient identifié comme consommateur et acheteur de stupéfiants auprès d’autres salariés du parc, un procès-verbal d’audition ayant été dressé le 27 février 2013 prenant acte de la reconnaissance des faits par le salarié.

 

Ayant pris connaissance de ce procès-verbal d’audition dans le cadre de la communication du dossier pénal, le parc d’attraction va licencier le salarié par courrier du 24 septembre 2013 pour faute grave lui reprochant d’avoir facilité et participé au développement d’un trafic de stupéfiant sur le site du parc.

 

Contestant son licenciement, le salarié va saisir la juridiction prud’homale.

 

Si les premiers juges vont débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement et considéré que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en cause d’appel, la Cour d’Appel de PARIS dans un arrêt du 18 mars 2016, relevant que les faits reprochés au salarié ne reposent que sur la découverte de son audition dans le cadre de l’enquête de police sur le trafic de stupéfiants dont le salarié a contesté la teneur et qu’il a été suivi d’aucune garde à vue ni mise en examen ni poursuite pénale, va considérer qu’il ne saurait être autorisé de fonder un licenciement sur des déclarations faites par un salarié lors d’une audition auprès des services de police menant une enquête pénale alors que la personne est nécessairement en situation de contrainte, et qu’un licenciement intervenu dans de telles conditions en violation de la liberté fondamentale de la présomption d’innocence ne peut qu’être déclaré nul.

 

En conséquence, la Cour d’Appel de PARIS prononce la nullité du licenciement et ordonne la réintégration du salarié au sein des effectifs du parc d’attraction.

 

En suite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

Bien lui en prit, puisqu’au visa des articles 6-2 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyens du 26 août 1789 et 9-1 du Code Civil, énonçant que le droit à la présomption d’innocence qui interdit de présenter publiquement une personne poursuivie pénalement comme coupable avant condamnation d’une infraction pénale, n’a pas pour effet d’interdire à un employeur de se prévaloir de faits dont il a régulièrement eu connaissance au cours d’une procédure pénale à l’appui d’un licenciement à l’encontre d’un salarié qui n’a pas été poursuivi pénalement, et énonçant que la procédure disciplinaire étant indépendante de la procédure pénale, l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence lorsque l’employeur prononce une sanction pour des faits identiques à ceux visés par la procédure pénale.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel mais seulement en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats 

 

 

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