Conditions de validité d’une clause d’indemnité de « production à ordre » dans une procédure collective

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com., 8 septembre 2015, 14 arrêts concernant les pourvois 14-14.175 à 14-14.188. F-D

 

Par une série de 14 arrêts, la Cour de Cassation a répondu à deux questions intéressant le recouvrement des créances bancaires dans le cadre des procédures collectives :

 

       La question de la validité d’une clause d’ « indemnité pour production à ordre » ;

 

       La question de l’arrêt du cours des intérêts d’une créance bancaire en cas de procédure collective du garant (et non du débiteur principal).

 

La seconde question est traitée dans un autre de nos articles, vers lequel nous vous renvoyons.

 

S’agissant du premier point, la Cour de Cassation s’est donc penchée sur les conditions de validité de ces clauses se rencontrant parfois dans des contrats de prêt : les clauses d’ « indemnité en cas de production à ordre ».

 

C’est-à-dire des clauses qui prévoient une indemnité au bénéfice de la banque, systématiquement calculées en pourcentage du capital restant dû (en l’espèce, 5%), et qui deviennent exigibles dès lors que la banque est tenue, pour obtenir le paiement de sa créance, de produire à un ou plusieurs ordres

.

La clause était ici rédigée comme suit : au cas où pour une cause quelconque, le prêteur pour obtenir le remboursement de sa créance en principal, intérêts et accessoires serait obligé de produire à un ou plusieurs ordres amiables ou judiciaires, il aurait droit à une indemnité forfaitaire de 5% de sa créance pour chaque ordre. »

 

Les pourvois questionnaient la validité de ces clauses, dans la mesure où l’article L622-13, I, du Code de Commerce, dispose que « nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture de la procédure de sauvegarde ». Cette clause est bien évidemment applicable en redressement judiciaire, et vise à interdire les résiliations de plein droit des contrats en cours.

 

La Cour de Cassation a fait une interprétation extensive du texte, notamment par un arrêt remarquable du 14 janvier 2014[1], dans lequel elle a posé le principe selon lequel « est interdite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de sa mise en redressement judiciaire ».

 

Le principe est clair : un cocontractant d’une société placée en sauvegarde ou redressement, est tenu de poursuivre l’exécution du contrat en cours dans les conditions d’origine de celui-ci, et ne peut imposer des changements contractuels fondés sur cette seule ouverture de procédure.

 

L’attendu important des arrêts ici commentés s’inscrit dans la même lignée jurisprudentiels. La clause querellée « n’a ni pour objet, ni pour effet d’aggraver la situation du débiteur du seul fait de l’ouverture d’une procédure collective à son égard », puisque l’indemnité pour production à ordre n’a pas uniquement due en cas d’ouverture d’une procédure collective, mais également par exemple dans des cas de production amiable.

 

Il n’y a donc pas, en l’espèce, de modification de la situation du débiteur due à la seule ouverture de la procédure collective.

 

Etienne CHARBONNEL

Vvialdi-Avocats

 


[1] Cass.Com. 14 janvier 2014, n°12-22.909. P-P+B

 

 

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