Source : Tribunal de Commerce de Paris, 15 janvier 2013 RG2012033422
Selon une définition couramment admise, l’acte de concurrence déloyale par dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l’entreprise ou la personnalité d’un concurrent pour en tirer profit (P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle : Sirey 1952, t. 1, p. 206).
L’action en concurrence déloyale par dénigrement suppose un message critique, une situation de concurrence et une diffusion publique par tout moyen de ce message.
C’est la situation qui a été soumise au Tribunal de Commerce de Paris. A l’occasion d’une action lancée par un célèbre acteur des télécommunications électroniques à l’encontre d’un opérateur historique de la téléphonie mobile pour violation des dispositions sur le crédit à la consommation et pratique commerciale déloyale, le défendeur a formulé une action reconventionnelle en concurrence déloyale par dénigrement.
Le défendeur reprochait au demandeur de s’être livré à la publicité de la présente procédure dans une interview donnée par le patron de l’entreprise de télécommunications dans un magazine diffusée sur M6 en 2012 :
« La pratique actuelle qui mélange le prix du service, celui du terminal et une prétendue subvention est une façon de faire du crédit à la consommation déguisé… sans se soumettre aux contraintes légales. En l’occurrence, cela revient à pratiquer des taux d’usure de 300 ou 400% que le consommateur ne voit pas. Je vous l’annonce en avant première : nous avons déposé plainte contre S. pour faire reconnaître la nullité de ce type de contrat. Nous les assignons pour concurrence déloyale. »
Le Tribunal a fait droit à la demande.
L’usage des termes « crédit à la consommation déguisée », « sans se soumettre aux contraintes légales », « taux d’usure de 300 à 400% » allait au-delà de la critique admise et induisait un jugement de valeur nuisible à l’image du concurrent, accusé d’agissements illégaux et de pratique d’usure sans preuve, en termes démesurés et en l’absence de toute décision judiciaire confirmant l’affirmation.
De plus, alors que la seule annonce d’une action judiciaire prochaine tendait déjà à nuire au concurrent, l’annonce d’une action pénale était de nature à discréditer gravement à l’image du défendeur.
Les propos de l’interview ont de plus été largement repris dans la presse.
Le demandeur à l’action reconventionnelle s’est vu octroyer la somme de 300 000Euros à titre de dommages et intérêts.
Diane PICANDET
Vivaldi-Avocats