SOURCE : Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 06 novembre 2018, affaire C-619/16 et C-684/16.
Il a été posé à la Cour de Justice de l’Union Européenne plusieurs questions préjudicielles portant sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 04 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.
Cette demande a été présentée en Allemagne, pour une première espèce, dans le cadre d’un litige opposant un salarié à son ancien employeur au sujet du refus de celui-ci de lui verser une indemnité financière au titre de congés payés annuels non pris avant la fin de leur relation de travail.
Ce salarié avait été stagiaire en droit du 13 mai 2008 au 28 mai 2010 dans le cadre d’un stage de préparation aux professions juridiques auprès du LAND de BERLIN dans le cadre d’une formation relevant de droit public, mais hors statut fonctionnaire. Sa réussite, le 28 mai 2010 à l’épreuve de l’examen a marqué la fin de ce stage et de cette formation.
Le salarié s’était abstenu de prendre des congés payés entre le 1er janvier 2010 et la date de la fin de sa formation. Le 18 décembre 2010, il a demandé à ce que lui soit accordée une indemnité financière au titre de ses congés annuels non pris, demande qui lui a été refusée, de sorte que le salarié a saisi le Tribunal Administratif de BERLIN contre ces décisions, recours qui a été rejeté par Jugement du 03 mai 2013, contraignant le salarié a saisi le Tribunal Administratif Supérieur de BERLIN BRANDENBURG d’un recours dirigé contre ce Jugement.
Dans la deuxième espèce, un salarié a été employé par une association en vertu de plusieurs contrats à durée déterminée du 1er août 2001 au 31 décembre 2013.
Par courrier du 23 octobre 2013, l’employeur avait invité le salarié à prendre ses congés avant la fin de la relation de travail, mais sans pour autant le contraindre à les prendre aux dates qu’il aurait fixées. Le salarié a pris deux jours de congés payés puis, par courrier du 23 décembre 2013, il a demandé le paiement d’une indemnité de 11 979 € correspondant à 51 jours de congés payés annuels non pris au titre des années 2012-2013.
Ce recours ayant été accueilli, tant en première instance qu’en appel, l’employeur a saisi la Juridiction de renvoi, savoir la Cour Fédérale du Travail d’un recours en révision.
Les questions préjudicielles posées à la Cour de Justice de l’Union Européenne sont les suivantes :
– L’article 7 paragraphe 2 de la directive 2003/88/CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des législations ou des pratiques nationales en vertu desquelles le droit à une indemnité financière à la fin d’une relation de travail est exclu lorsque le travailleur n’a pas demandé à bénéficier du congé payé annuel, alors qu’il pouvait le faire ?
– L’article 7 paragraphe 2 de la directive 2003/88/CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des législations ou des pratiques nationales en vertu desquelles le droit à une indemnité financière à la fin d’une relation de travail présuppose que le travailleur n’était pas en mesure, pour des raisons indépendantes de sa volonté, d’exercer son droit aux congés annuels payés avant la fin de la relation de travail ?
– L’article 7 de la directive 2003/88/CE ou l’article 31 paragraphe 2 de la Charte s’opposent-ils à une réglementation nationale qui prévoit en tant que modalité d’exercice du droit à congés de repos, l’obligation pour le travailleur de demander congé en indiquant ses souhaits quant à la date de celui-ci afin de ne pas perdre son droit à congé à la fin de la période de référence sans aucune compensation et qui n’oblige donc pas l’employeur à fixer unilatéralement, de manière contraignante pour le travailleur la date de congé au cours de la période de référence ?
Examinant ces questions, la Cour de Justice de l’Union Européenne va considérer qu’il importe d’éviter une situation dans laquelle la charge de veiller à l’exercice effectif du droit aux congés annuels payés se trouverait entièrement déplacée sur le travailleur, tandis que l’employeur se verrait, de ce fait, offrir une possibilité de s’exonérer du respect de ses propres obligations, en prétextant qu’une demande de congés annuels payés n’a pas été introduite par le travailleur.
En conséquence, elle considère que le droit social de l’Union Européenne doit être interprété dans le sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale dans laquelle, à défaut pour le travailleur d’avoir demandé à exercer son droit aux congés annuels payés avant la date de la cessation de la relation de travail, celui-ci perdrait automatiquement et sans vérification au préalable du point de savoir si celui-ci a été effectivement mis en mesure par l’employeur notamment par une information adéquate de la part de ce dernier, d’exercer son droit aux congés avant ladite cessation, les jours de congés payés annuels auxquels il avait droit, ainsi que, corrélativement, son droit à une indemnité financière au titre des congés payés annuels non pris.
Elle précise également qu’en revanche, si l’employeur est à même de rapporter la preuve qu’il a fait toute diligence pour que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre les congés payés annuels auxquels il a droit, de telle sorte qu’il apparaîtrait que c’est délibérément et en toute connaissance de cause quant aux conséquences appelées à en découler que le travailleur s’est abstenu de prendre ses congés payés annuels après avoir été mis en mesure d’exercer effectivement son droit à ceux-ci, en pareil cas l’article 7 paragraphe 1 et 2 de la directive 2003/88/CE ne s’oppose pas à la perte de ce droit, ni en cas de cessation de la relation de travail, à l’absence corrélative d’indemnités financières au titre des congés payés annuels non pris, sans que l’employeur ne soit contraint d’imposer à ce travailleur d’rxercer effectivement son droit à congés.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats