SOURCE : Cass.com., 25 juin 2013, Arrêt n° 674 F – D (n° 12-21.206).
Dans cette espèce, un salarié avait été embauché en qualité de directeur technique opérationnel avant d’être nommé comme directeur général de la société jusqu’à ce que le Conseil d’Administration mette fin à ses fonctions.
A la suite de son départ, un audit du cabinet comptable fut réalisé et la société réclama à son ancien directeur général le remboursement de dépenses à hauteur de 11 591 € effectuées par lui avec la carte de crédit de la société mise à sa disposition, ainsi qu’une prime de 8 115 € qu’il s’était octroyée sans autorisation du Conseil d’Administration.
L’ancien directeur général refusant d’opérer ces remboursements, il fut assigné par la société devant le Tribunal de Commerce, lequel le condamna à rembourser l’intégralité des sommes à la société, de sorte que le salarié interjeta appel de ce Jugement.
Pour sa part, la Cour d’Appel de TOULOUSE, dans un Arrêt du 26 octobre 2011, accueille les demandes de l’ancien mandataire social, relevant, en ce qui concerne les dépenses et retraits faits avec la carte de crédit, que la société ne fournissait aucune explication détaillée sur ces dépenses et ne produisait aucun relevé d’identité bancaire mentionnant en face des débits l’identité des bénéficiaires ou encore le lieu du distributeur automatique de billets, que les relevés produits mentionnent en face de toutes les opérations qu’il s’agit de carte bleue de déplacements sans indiquer leur nature, de sorte que la société n’établit pas en quoi le mandataire social aurait pu se montrer trop dépensier dans le cadre de son activité professionnelle, ni en quoi, compte tenu de ses fonctions et de ses besoins, les dépenses auraient été excessives, relevant en outre que la société n’avait pas déposé plainte pour abus de biens sociaux.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la prime, la Cour d’Appel relevant que le mandataire social était également directeur opérationnel de la société, de sorte qu’il avait effectivement bénéficié d’une prime exceptionnelle de 8 115,11 € qu’il y avait lieu de considérer comme versée au titre de ses fonctions salariées dans la mesure où la lettre d’embauche mentionnait une prime d’objectif variant de 0 à 12 % du salaire brut annuel, de sorte que la société, à défaut de prouver que le salarié s’était octroyé cette prime de manière irrégulière ou qu’elle était d’un montant excessif ne pouvait en réclamer le remboursement.
Par suite, la Cour d’Appel de TOULOUSE infirme le Jugement de première instance, de sorte que la société se pourvoit en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, la société fait grief à la Cour d’Appel d’avoir rejeté sa demande de condamnation du salarié à lui rembourser une prime exceptionnelle alors que seul le Conseil d’Administration d’une société peut déterminer par une délibération sur son montant et ses modalités la rémunération et donc les primes du directeur général, de sorte que celui-ci ne pouvait, sans une décision préalable du conseil, s’allouer une rémunération supplémentaire telle une prime exceptionnelle.
Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 25 juin 2013, relevant que la prime litigieuse avait été attribuée au mandataire social en exécution de son contrat de travail de directeur opérationnel, de sorte que les dispositions régissant la rémunération du directeur général, prévues à l’article L 1225-53 du Code de Commerce, n’étaient pas applicables à l’allocation de cette prime, rejette le pourvoi de la société sur ce point.
Toutefois, la Haute Cour relevant que l’Arrêt de la Cour d’Appel retient qu’il appartenait à la société d’établir le caractère irrégulier des dépenses, c’est-à-dire de prouver que le mandataire social s’était servi de la carte bancaire qui était à sa disposition, soit de manière excessive dans le cadre de ses fonctions, soit à des fins autres que professionnelles et que le défaut de production des facturettes, de sa part, n’établissait pas le caractère irrégulier des dépenses réalisées, alors qu’il appartenait au dirigeant social de rendre compte à la société en justifiant les dépenses qui avaient été faites par lui au moyen des fonds sociaux mis à sa disposition, la Cour d’Appel a inversé la charge de la preuve et donc violé l’article 1315 du Code Civil.
Par suite, la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 25 juin 2013, casse et annule l’Arrêt de la Cour d’Appel, mais seulement en ce qu’il avait rejeté la demande de la société en remboursement des dépenses effectuées par l’ancien mandataire social avec la carte de crédit de la société.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats