Créance de conservation ou de gestion de biens indivis : opposabilité des droits du co-indivisaire in bonis sans déclaration de créance

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : Cass. Com., 2 juin 2015, n° 12-29.405. F- P + B

 

C’est la problématique de la difficile articulation entre le droit de l’indivision et le droit des procédures collectives que tranche la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 2 juin 2015 : que se passe-t-il lorsque l’indivisaire qui a exposé des frais pour conserver l’immeuble et qui détient par conséquent une créance vis-à-vis de l’indivision voit l’un des indivisaires faire l’objet d’une procédure collective ?

 

Ce co-indivisaire in bonis doit-il déclarer sa créance ?

 

Tel est le sens de l’arrêt rapporté, rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 3 juin 2015.

 

En l’espèce, des concubins ont acquis chacun pour moitié un immeuble en indivision, l’acquisition étant financée au moyen d’un prêt. Les concubins se séparent.

 

Un jugement ordonne la liquidation et le partage de l’indivision.

 

Par la suite, la concubine a été mise en redressement judiciaire et un plan de redressement a été arrêté.

 

Le bien a été par la suite vendu, mais les ex-concubins étaient en désaccord sur les opérations de liquidation.

 

Un jugement, dont il a été relevé appel a statué sur les difficultés survenues au cours des opérations de liquidation.

 

Un pourvoi a été formé à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’Appel qui a déclaré éteintes les créances invoquées par le concubin (co -indivisaire in bonis), au titre du remboursement de l’emprunt immobilier, des travaux d’amélioration réalisés sur l’immeuble indivis ainsi que les taxes et frais acquittés.

 

La Cour d’Appel retient :

 

       d’un côté qu’il est vainement soutenu par le co-indivisaire in bonis, que s’agissant de créances à l’égard de l’indivision et non de sa concubine faisant l’objet d’une procédure collective, il conserve son droit de poursuite, dés lors que l’indivision n’est pas dotée d’une personnalité juridique autonome, distincte de ses membres, et que l’article 815-17 du code civil ne dispense pas l’indivisaire qui entend exercer son droit de poursuite sur les biens indivis de respecter la procédure de déclaration de créance ;

 

       de l’autre que ces créances, dont il n’est pas contesté qu’elles sont nées antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire n’ont pas fait l’objet d’une déclaration au passif de cette procédure et n’ont pas fait l’objet d’un relevé de forclusion.

 

Se référant aux dispositions de l’article 815-17 du code civil, la Cour de Cassation censure l’arrêt d’appel, retenant que l’indivisaire qui détient une créance née de la conservation de l’immeuble n’est pas tenu de déclarer au passif de la procédure collective ouverte contre l’un des autres indivisaires pour s’en prévaloir dans le cadre des opérations de liquidation de partage.

 

Etant précisé que jusqu’alors, il était jugé que l’indivisaire in bonis était tenu de déclarer sa créance au passif de l’autre indivisaire pour pouvoir s’en prévaloir dans le cadre des opérations de partage, dés lors qu’elle était née avant l’ouverture de la procédure collective[1].

 

Cette solution que l’on pouvait comprendre au regard du droit des procédures collectives, était toutefois inconciliable, avec le principe qui gouverne le droit de l’indivision et selon lequel les créances et les dettes, ne naissent dans les rapports entre indivisaires qu’à l’issue des opérations de partage lors de l’attribution des lots.

 

De même, elle était également en contradiction avec la jurisprudence qui autorise l’indivisaire, au visa de l’article 815-17, à poursuivre la paiement de sa créance sur le bien indivis alors même qu’il n’a pas déclaré sa créance au passif de l’un des indivisaires[2].

 

Avec l’arrêt rapporté, la Cour de Cassation a réussi à harmoniser le droit des procédures collectives et le droit de l’indivision.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass.com.1er févr. 2005, n° 01-13.943

[2] Cass. 1ère.Civ., 13 déc. 2005, n° 02-17.778

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