Cession d’actions : validité de la clause de non concurrence du cédant.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass.com., 12 février  2013, n° 141 F – D (N° 12-13.726).

 

 

Dans cette espèce, dans le cadre de la reprise de son entreprise, le cédant avait signé le 20 juillet 2005 une convention portant cession de ses actions au profit du repreneur, ladite convention de cession comportant une clause de non concurrence aux termes de laquelle le cédant s’engageait à ne pas faire concurrence à la société cédée et à son repreneur sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, pour une durée de 4 ans à partir de la date de cession.

 

Dans le même temps, le repreneur lui consentait un contrat de travail à durée indéterminée comportant des sanctions financières en cas de démission avant le délai d’un an.

 

Ce contrat de travail comportait également une clause d’exclusivité où il était stipulé que le repreneur, devenu salarié, réservait à l’entreprise l’exclusivité de ses services et ne pouvait avoir aucune autre occupation professionnelle, même non concurrente, à l’exception d’une activité immobilière privée.

 

Pour autant, moins d’un an après, le repreneur démissionnait de ses fonctions par un courrier du 09 mai 2006 avec effet immédiat et créait le 22 juin 2006 une nouvelle société exerçant une activité identique à celle qu’il avait antérieurement cédée.

 

Plus de 2 ans plus tard, le repreneur l’assigna aux fins voir prononcer la résolution de la convention de cession d’actions à ses torts exclusifs et le versement de l’indemnité de départ contractuellement prévue par le contrat de travail.

 

Le repreneur ayant été débouté de l’ensemble de ses demandes, il interjeta appel de la décision, mais la Cour d’Appel de DIJON, dans un Arrêt du 06 décembre 2011, confirmait le Jugement en toutes ses dispositions, considérant que la clause de non concurrence insérée dans l’acte de cession était nulle en ce qu’elle n’était ni limitée dans l’espace, ni rémunérée et donc insusceptible d’être violée.

 

La Cour d’Appel relevait ensuite, pour ce qui concernait l’indemnité de départ, que le repreneur ne demandait son paiement qu’à l’occasion du litige portant sur la convention de cession d’actions, mais qu’il s’était abstenu de le faire 2 ans auparavant lorsque le salarié avait démissionné de son poste, de sorte que le repreneur était réputé avoir accepté la démission du cédant et l’avoir dispensé du versement de l’indemnité.

 

Ensuite de cette décision, le repreneur se pourvut en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il prétend que la clause de non concurrence insérée dans un contrat de cession d’actions est valable si elle porte une atteinte à la liberté du débiteur proportionnée aux intérêts nécessaires du créancier et est limitée dans le temps ou l’espace, considérant que ces limitations de temps et de lieu ont un caractère alternatif et non pas cumulatif, de sorte qu’en déduisant la nullité de la clause de non concurrence litigieuse de son absence de limitation dans l’espace après avoir pourtant constaté sa limitation dans le temps, la Cour d’Appel, retenant ainsi à tort un caractère cumulatif et non pas alternatif, avait violé l’article 1134 du Code Civil.

 

A l’appui de son pourvoi, le repreneur invoque également qu’en déduisant la nullité de la clause de non concurrence de son absence de rémunération, la Cour d’Appel ajoute une condition de validité supplémentaire violant encore les dispositions de l’article 1134 du Code Civil, prétendant qu’il en est encore de même lorsque la Cour n’a pas recherché dans quelle mesure la clause de non concurrence litigieuse ne portait aucune atteinte à la liberté du débiteur de cette obligation en proportion des intérêts nécessaires des entreprises en cause qui en étaient créancières.

 

Mais la Haute Cour, dans son Arrêt précité du 12 février 2013, relève que l’Arrêt de la Cour d’Appel précise que la clause de non concurrence litigieuse n’était pas limitée dans l’espace, de sorte que cette seule constatation suffisait à en déduire que ladite clause était nulle, de sorte que le repreneur n’était pas fondé à se prévaloir de sa violation.

 

Par ailleurs, la Cour rejette également le second moyen du pourvoi relatif au paiement de l’indemnité contractuelle de départ relevant que la lettre du cédant, dans laquelle il informait le repreneur de sa démission et le remerciait d’avoir accepté de ne pas appliquer les indemnités prévues par son contrat de travail, n’avait suscité aucune remarque du repreneur et que c’était seulement à l’occasion du litige sur la concurrence, soit en novembre 2008, qu’était intervenue la discussion sur l’indemnité de départ, de sorte que la Cour d’Appel a pu valablement estimer que le repreneur avait accepté de dispenser le cédant du versement de cette indemnité, modifiant sur ce point l’accord initial.

 

La Cour de Cassation rejette donc en totalité les motifs de ce pourvoi.

 

Il est à remarquer toutefois qu’elle s’abstient de répondre sur le point particulier de l’absence de rémunération de la clause de non concurrence et de son effet sur la validité de celle-ci.

   

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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