Source : CA Aix-En-Provence, 29 octobre 2015, n°2015/576
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence vient de refuser de transmettre une QPC à la Cour de Cassation, portant sur les textes relatifs à l’action en sanctions personnelles, à l’encontre d’un débiteur personne physique, ou du dirigeant d’un débiteur personne morale.
Pour mémoire, cette action en sanctions est posée par les articles L 653-5 et suivants du Code de Commerce, et permettent au tribunal de la faillite, qui constate la commission par le dirigeant poursuivi, de fautes limitativement listées, de le condamner à une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer pour une durée qu’il fixe.
Un dirigeant (de fait) poursuivi a ainsi questionné la conformité du texte à la Constitution, et développé plusieurs arguments qui ont tous été rejetés par la Cour d’Appel.
Tout d’abord, il faisait valoir que « les dispositions visées constituent un cas d’imputabilité matérielle des faits qui aboutissent à une présomption de responsabilité à l’encontre du dirigeant de droit, sans appréciation de l’élément intentionnel, sans analyse des circonstances et sans que soit pris en compte la véritable responsabilité du dirigeant de fait. »
Plus précisément, les juges de première instance avaient retenu à son égard la faute de défaut de tenue de comptabilité. Dans la mesure où il n’était « que » dirigeant de fait, qualité qu’il contestait par ailleurs, il refusait d’endosser la responsabilité d’un tiers (le dirigeant de droit) et soutenait ainsi que les juges du fonds, qui n’ont qu’à constater le défaut de tenue de comptabilité, n’ont pas de marge d’appréciation quant aux raisons ayant poussé le justiciable à ne pas tenir la comptabilité.
La Cour ne retient pas l’argument, rappelant que le prononcé d’une sanction n’est qu’une faculté offerte au Tribunal, qui peut faire choix, même en présence d’une faute constituée, de ne pas sanctionner. De sorte que les juges du fonds ont bel et bien une marge d’appréciation des circonstances, et du degré de responsabilité du dirigeant, et qu’aucune automaticité de la sanction ne découle de la lecture du texte.
En second lieu, le dirigeant dénonçait l’absence de nécessité, pour la juridiction, et à la différence des textes applicables en matière de sanctions pécuniaires, de caractériser, en plus de la faute, le préjudice et le lien de causalité.
La Cour ne retient pas plus l’argument, rappelant que les objectifs des sanctions personnelles et pécuniaires sont différents :
– La sanction personnelle vise à écarter du monde des affaires le dirigeant malhonnête ou incompétent ;
– Alors que la sanction pécuniaire vise à obtenir la réparation d’un préjudice constituant en l’insuffisance d’actifs. En conséquence, et conformément au droit commun de la responsabilité, l’indemnisation de ce préjudice, et seulement celle-ci, suppose la démonstration, en plus de la faute, du préjudice et du lien de causalité.
Les arguments pour intéressants qu’ils soient, n’ont pas convaincu la Cour.
Il n’en reste pas moins que ce type de sanction, s’apparentant à une sanction pénale, mais prononcée par un tribunal civil, pose un certain nombre de questions liées à la « confusion des genres ». Nous avons déjà abordé une autre de ces difficultés, liée à la place du ministère public dans ces instances[1].
Parions qu’il ne s’agit pas là de la dernière décision sur le sujet…
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats
[1] Cf notre article du 15 décembre 2015 : Le Ministère Public à l’origine d’une action en sanctions est une partie comme les autres devant communiquer contradictoirement son argumentation.