Santé, sécurité des travailleurs : obligation de moyen renforcée et non plus obligation de résultat.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc, 25 novembre 2015, Arrêt n° 2121 FS-P+B+R+I (n° 14-24-444).

 

Un salarié, dont l’ancienneté remontait au 26 novembre 1987, avait été promu en qualité de chef de cabine première classe sur les vols long-courrier le 1er décembre 2000.

 

Le 10 septembre 2001, alors qu’il se trouvait en escale à NEW YORK où il venait d’arriver en provenance de PARIS, il a assisté, à partir de la chambre qu’il occupait à l’hôtel Millénium, à l’attentat terroriste perpétré contre le World Trade Center.

 

Le salarié est rentré à PARIS le dimanche suivant en compagnie d’une quarantaine de membres d’équipage qui ont été accueillis par une cellule médicale mise en place afin de les accueillir.

 

Le salarié préférait toutefois rentrer chez lui.

 

Il a ensuite travaillé normalement pendant plusieurs années au cours desquelles il a régulièrement été déclaré apte jusqu’à ce que le 24 avril 2006, alors qu’il partait rejoindre son bord pour un vol en direction de SAO PAULO, il a été pris d’une crise de panique et s’est effondré.

 

Depuis cette date du 26 avril 2006, le salarié n’a plus repris son travail et a été placé en invalidité 2ème catégorie à compter du 1er février 2009.

 

Il a ensuite été déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel naviguant par le Conseil Médical de l’aéronautique, puis s’étant abstenu de se rendre à une convocation pour une visite médicale avec le médecin du travail en vue de son reclassement, le salarié s’est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse le 15 septembre 2011.

 

Sans attendre la rupture de son contrat de travail, le salarié avait, le 19 décembre 2008, saisi le Conseil des Prud’hommes aux fins d’entendre condamner son employeur sur le fondement de l’article L.4121-1 du Code du Travail à lui payer une somme au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et de santé au travail.

 

Débouté par les Premiers Juges, le salarié va interjeter appel de cette décision.

 

Saisie de cette affaire, la Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 06 mai 2014, va également débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes.

 

Sur la demande présentée au visa de l’article L.4121-1 du Code du Travail relative à l’obligation de santé et sécurité des travailleurs pesant sur l’employeur, la Cour d’Appel a relevé que le salarié a été pris en charge à son retour de NEW YORK en septembre 2001, décidant de rentrer à son domicile, qu’il n’a jamais ensuite, par la suite, sollicité de débriefing , ni de consultation psychologique, qu’il n’a pas signalé de mal-être résultant de ce traumatisme du 11 septembre 2001 et que pendant les 4 années suivantes, de 2002 à 2005, il a été, à chaque fois, déclaré apte à son emploi.

 

La Cour a également relevé qu’à compter de sa crise de panique du 24 avril 2006, l’employeur va prendre en compte son état psychologique fragile et qu’il va être suivi par une psychologue, puis par le psychiatre de l’entreprise, tout en état également parallèlement suivi par le médecin du travail.

 

Par suite, la Cour d’Appel rejette la demande du salarié fondée sur l’article L.4121-1 du Code du Travail.

 

Par ailleurs, elle considère également que son licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il maintient que son employeur a défailli à son obligation de sécurité de résultat.

 

Mais la Chambre Sociale énonçant solennellement que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du Travail,

 

et soulignant que la Cour d’Appel qui a constaté, d’une part, que l’employeur avait pris en compte les événements violents auxquels le salarié avait été exposé, avait au retour de NEW YORK le 11 septembre 2001, fait accueillir celui-ci, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter les intéressés vers des consultations psychiatriques,

 

d’autre part, que le salarié avait été déclaré apte lors de 4 visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005, et qu’il avait exercé, sans difficulté, ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006, et qu’ayant relevé que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient dépourvus de lien avec les événements dont il avait été témoin,

 

la Cour d’Appel, appréciant souverainement les éléments de faits et de preuves qui lui étaient soumis et procédant aux recherches qui lui étaient demandées, a pu déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi du salarié sur ce point revenant ainsi sur sa Jurisprudence instituée depuis 2006, considérant que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute. Elle revient donc à sa position antérieure à 2006, mettant ainsi à la charge des employeurs une obligation de moyen renforcée en la matière.

 

Toutefois, elle casse et annule partiellement l’Arrêt d’Appel en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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