Une méthode statistique peut être utilisée pour fixer le montant d’une provision pour créance douteuse…

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source : CE 17/02/2016, n°377415

 

L’article 39 du CGI dispose que le bénéfice net est établi sous déduction, notamment, des provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice.

 

Des provisions peuvent ainsi être constituées sur les créances douteuses de l’entreprise.

 

Une jurisprudence abondante vient préciser les conditions dans lesquelles une créance peut être considérée comme douteuse.

 

En l’espèce, le contribuable utilisait une méthode statistique. Cette société avait un nombre très important de clients et dont les prestations étaient généralement payées sur une période de 18 à 36 mois. Elle avait donc mis en place un système de relance en cas d’impayés graduel qui permettait d’évaluer le risque d’impayés en fonction du nombre de relances infructueuses. En fonction du risque établi, la société enregistrait des provisions pour créances douteuses.

 

L’administration fiscale a partiellement rejeté la déduction des provisions établies grâce à ce système car certaines créances étaient provisionnées non pas en fonction des impayés constatés lors de l’exercice en cours mais du fait que ces créances étaient rattachées à des clients qui avaient été par le passé des mauvais payeurs.

 

En d’autres termes, la société anticipait un comportement indélicat de ses clients.

 

Le Conseil d’Etat confirme la position de la Cour Administrative d’Appel ayant confirmé les rectifications relatives à ces provisions.

 

Il rappelle les conditions de déduction des provisions découlant de l’article 39 du CGI : « il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposable d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ».

 

Trois conditions doivent être respectées pour que la déduction ne soit pas remise en cause :

 

Le montant de la perte ou charge couverte par la provision doit être évalué de façon la plus précise possible ;

 

La perte ou la charge doit être probable eu égard aux circonstances de l’exercice en cours ;

 

La perte ou la charge doit être la conséquence d’évènement ou opérations ayant eu lieu au cours de l’exercice.

 

En l’espèce, le Conseil d’Etat constate que la méthode statistique peut être valablement utilisée pour déterminer le montant de la provision car cette méthode permet de déterminer avec une approximation suffisante le risque de perte. La première condition est donc remplie.

 

En revanche, cette méthode n’est pas suffisante pour caractériser les deux autres conditions.

 

Le Conseil d’Etat juge ainsi que la Cour Administrative d’Appel n’a pas commis d’erreur de droit « en jugeant qu’elle ne pouvait réputer l’existence de créances douteuses sur la base d’éléments statistiques ne se rattachant à aucun évènement en cours à la date de la clôture de l’exercice, la seule circonstance que les clients concernés aient provoqué, pour certains d’entre eux, des incidents de paiement lors d’exercices antérieurs ne pouvant être regardée comme constituant un événement en cours pendant l’exercice susceptible de rendre probable la perte des créances au sens de l’article 39 du code général des impôts ».

 

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi que la constatation de provision ne doit pas relever de la science divinatoire mais être justifiée par des éléments objectifs.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

 

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