Un accord de coexistence ne préserve pas d’une action en contrefaçon

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

Source : Com. 10 février 2015 n° 13-24979

 

En l’espèce, deux sociétés, l’une titulaire des marques française et communautaire « LEHNING » déposées respectivement en 1995 et en 2004 pour désigner les produits pharmaceutiques vétérinaires et désinfectants, également propriétaire du nom de domaine lehning.com, l’autre titulaire de la marque « LEHRING NATURELLEMENT EFFICACE » déposée en 2008 pour des produits identiques, avaient conclu un accord de coexistence de marques au terme duquel la deuxième société s’était engagée à renoncer aux produits pharmaceutiques et vétérinaires ainsi qu’à ne jamais exploiter le terme « LEHRING » isolément.

 

En dépit des dispositions prises par le titulaire de la marque seconde pour exécuter l’accord, et après être régulièrement intervenu auprès de moteurs de recherches, de sites marchands, de sites comparateurs et d’un magazine qui avaient employé le terme « LEHRING » pour désigner ladite société, le titulaire des marques premières l’avait assigné en contrefaçon et concurrence déloyale après avoir constaté le terme LEHRING était apparu jusqu’en 2012 en caractères importants sur le site internet de son cocontractant.

 

Pour rejeter les demandes, la Cour d’Appel avait relevé que la société défenderesse avait globalement fait le nécessaire dès aout 2008 pour modifier ses documents afin de se conformer à l’accord intervenu et que la persistance du terme LEHRING en gros caractères sur son site internet ne constituaient pas une faute d’une gravité suffisante pour constituer une contrefaçon.

 

L’arrêt a été cassé au visa de l’article L.713-3 du CPI « Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des marques en présence et des produits désignés à l’enregistrement, le non-respect des engagements contractuels constaté n’était pas de nature à engendrer un risque de confusion dans l’esprit du public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; »

 

La Cour de Cassation décide ainsi que la gravité des manquements à un accord de coexistence de marques est indépendante de l’existence d’actes de contrefaçon qui, s’ils sont caractérisés selon l’appréciation qui doit en être traditionnellement faite, sont de nature à engager la responsabilité de leur auteur.

 

La Cour casse également l’arrêt au visa de l’article 1382 du Code civil qui avait écarté tout acte de concurrence déloyale au motif ici encore que les manquements constatés ne constituaient pas des fautes d’une gravité suffisante pour constituer de tels agissements : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en raison de la similitude des signes en présence et des activités exercées par les sociétés, l’emploi du terme « Lehring », en plus gros caractères, par la société E. sur son site Internet n’était pas de nature à engendrer dans l’esprit du public un risque de confusion avec la dénomination sociale, le nom commercial et le nom de domaine de la société Lehning, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

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