Solde débiteur d’un compte courant, caution, et liquidation judiciaire

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com. 13 décembre 2016, n°14-16.037, n°1089, P+B

 

Le cautionnement est une garantie, pour le créancier, en cas de défaillance de son débiteur principal. C’est donc très naturellement que l’articulation des mécanismes de déchéance du terme, de liquidation judiciaire, et de cautionnement, sont si souvent traités en jurisprudence.

 

Se pose ainsi la question du maintien de son terme propre, pour la caution, en cas de déchéance du terme à l’égard du débiteur principal, le plus souvent un emprunteur dans le cadre d’un contrat de crédit.

 

1) La caution bénéficie en principe de son terme propre.

 

Le cautionnement est un contrat, certes accessoire, mais qui obéit à ses règles propres. La caution bénéficie ainsi de ses propres droits.

 

La première conséquence est que la caution bénéficie de son terme propre, en cas de défaillance du débiteur principal, et d’une déchéance du terme prononcé à l’égard de ce dernier. La caution n’est alors tenue au paiement que dans les limites des conditions contractuelles initiales, dont aurait bénéficié l’emprunteur s’il n’avait été défaillant.

 

Dit autrement, la déchéance du terme du débiteur principal n’est pas opposable à la caution, règle qui est fréquemment rappelée par la jurisprudence[1].

 

Cette règle doit néanmoins faire l’objet de deux réserves :

 

En premier lieu, le maintien du terme propre de la caution suppose un respect des conditions contractuelles initiales : c’est-à-dire qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, la caution doit se substituer à celui-ci, afin de respecter les échéances de l’emprunt à bonnes dates. C’est-à-dire que la caution ne doit pas encourir une déchéance de son propre terme.

 

En second lieu, la possibilité pour la caution de bénéficier de son terme propre n’est qu’une règle supplétive, qui ne s’applique qu’en cas de silence du contrat sur le sujet.

 

Or, les contrats bancaires prévoient quasiment systématiquement une clause selon laquelle la caution renonce au bénéfice de son terme propre dès lors que le débiteur principal aurait lui-même encouru la déchéance de son terme.

 

Il reste cependant des contrats, et quelques cas en jurisprudence, dans lesquels le débiteur principal a bien encouru la déchéance du terme, mais dans lesquels la caution règle en ses lieu et place et ne subit pas, à son tour, une déchéance du terme.

 

L’intervention d’une liquidation judiciaire ne modifie pas profondément le tableau.

 

L’article L. 643-1 du Code de Commerce dispose en effet :

 

«   Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »

 

En d’autres termes, l’ouverture d’une liquidation judiciaire ou la conversion en liquidation entraîne la déchéance du terme des contrats en cours, et tout particulièrement des contrats de prêt.

 

Mais de manière tout aussi classique, et sous les réserves ci-avant énoncées, cette déchéance du terme pour le débiteur principal n’a pas d’effet sur le terme propre de la caution[2].

 

2) L’application au cas particulier du compte courant.

 

Les effets de l’ouverture ou de la conversion en liquidation judiciaire sont en revanche très différents, à l’égard de la caution, s’agissant d’une convention de compte courant. En effet, la jurisprudence juge, de manière là aussi tout à fait constante, que la liquidation judiciaire du titulaire du compte courant a pour conséquence la clôture immédiate, à même date, du compte, qui se trouve résilié de plein droit.

 

C’est très précisément la solution posée par l’arrêt ici commenté :

 

«   Attendu que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, il en résulte que le solde de ce compte est immédiatement exigible de la caution. »

 

La conséquence de la liquidation est ici que le solde débiteur du compte courant est alors immédiatement exigible à l’égard des cautions, solde qui était en outre, dans le cas d’espèce, déjà fixé par l’admission au passif de la banque.

 

La caution, en cas de liquidation, ne bénéficie, s’agissant du solde débiteur du compte courant, d’aucun terme qui lui serait propre, ou précisément qui serait différent de celui du débiteur principal, compte tenu de la résiliation de la convention.

 

Cet arrêt est une confirmation de la solution antérieure, mais dans des termes beaucoup plus clairs et explicites que ceux précédemment retenus par la Cour de cassation[3].

 

C’est là le principal apport de l‘arrêt.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats


[1] Voir par exemple  Cass.com. 8 mars 1994, n°92-11.854, ou Cass. Com. 8 juillet 2003, n°99-21.646

[2] Cass. Com., 4 novembre 2014, pourvoi n° 12-35.357.

[3] Voir notamment Cass. Com., 5 novembre 2003, pourvoi n° 01-01.899.

 

 

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