SOURCE : Cass. com., 19 mars 2013, n° 273 F – P + B (N° 11-23.155).
Dans cette espèce, une Société Civile d’Investissements détenant un immeuble dans lequel était exploité un fonds de commerce d’hôtel-restaurant, avait réuni son Assemblée Générale le 26 décembre 2007, laquelle avait adopté, à l’unanimité, une résolution tendant à autoriser la vente de la totalité de l’ensemble immobilier à un prix non inférieur à 8 500 000 €, ainsi qu’une résolution, également votée à l’unanimité, décidant, après réalisation de la vente, le partage de l’actif en résultant au plus tard le 28 février 2008, après paiement de toutes les dettes sociales et notamment le remboursement des comptes courants d’associés, ledit partage devant intervenir selon une répartition précisément chiffrée dérogatoire aux règles statutaires.
L’immeuble ayant été vendu le 14 février 2008 au prix convenu de 8 500 000 €, une nouvelle Assemblée Générale de la Société Civile d’Investissements Financiers fut convoquée pour le 29 février 2008 et décidait, à la majorité des voix, de l’annulation des résolutions susvisées de l’Assemblée Générale du 26 décembre 2007 et de procéder à une distribution d’acompte sur dividendes.
S’estimant lésés, les associés minoritaires ont assigné la Société Civile d’Investissements Financiers, ainsi que les associés majoritaires, aux fins d’obtenir l’annulation des résolutions prises le 29 février 2008, lesquelles annulaient celles du 26 décembre 2007.
Leur demande est accueillie par un Arrêt infirmatif de la Cour d’Appel d’ORLEANS en date du 20 juin 2011, lequel relève que les délibérations de l’Assemblée Générale du 26 décembre 2007 sont parfaitement valables et qu’elles sont en outre unies entre elles par un lien d’invisibilité puisqu’il ressort des termes mêmes du procès verbal de l’Assemblée Générale du 26 décembre 2007, qu’elles ont été votées à l’unanimité après “échanges de vues, d’observation et d’explications, notamment relatives au partage de l’actif”, de sorte qu’il s’en déduisait indiscutablement que la décision de vendre l’immeuble, propriété de la Société Civile d’Investissements, avait été acceptée en considération de l’accord concomitant conclu sur la répartition de l’actif, de sorte que les délibérations adoptées à ce sujet étaient indissociables.
L’Arrêt relève que la vente de l’immeuble intervenue le 14 février 2008 constituait un commencement d’exécution des décisions indivisibles adoptées par l’Assemblée Générale du 26 décembre 2007, lequel avait fait naître un droit acquis au profit de chaque associé, en l’occurrence un droit de créance entré dans son patrimoine, et qu’une telle décision ne pouvait être rapportée que par un autre vote pris à l’unanimité des associés et non pas par un simple vote à la majorité.
La Cour d’Appel en déduisait donc que l’Assemblée Générale de la Société Civile d’Investissements du 29 février 2008 avait porté atteinte aux droits acquis des associés et que par conséquent les délibérations litigieuses étaient entachées de nullité.
Ensuite de cette décision, les associés majoritaires se pourvoient en Cassation prétendant, au contraire :
– Qu’une décision d’Assemblée Générale prise à la majorité statutaire peut revenir sur une décision antérieure, dès lors que cette dernière n’a pas fait naître de droits acquis au profit des associés, et que le droit acquis des associés aux dividendes résulte de l’approbation des comptes de l’exercice par l’Assemblée Générale, la constatation par celle-ci de l’existence de sommes distribuables et la détermination de la part attribuée à chaque associé.
Ils prétendaient donc que la délibération litigieuse, en ce qu’elle portait sur la répartition de dividendes simplement éventuels, pouvait être dès lors rapportée à la majorité statutaire en l’absence de l’approbation des comptes de l’exercice par l’Assemblée Générale.
– Qu’une Assemblée Générale peut revenir, à la majorité statutaire, sur une précédente décision prise à l’unanimité, à moins que cette dernière n’ait reçu aucun commencement d’exécution, ce commencement d’exécution ne pouvant consister en une simple décision de répartition de dividendes, mais en leur mise en paiement,
Ils prétendaient donc que la Cour d’Appel ne pouvait retenir que la décision de répartition du prix de cession était indivisible de la décision de vendre l’immeuble, et qu’elle avait eu un commencement d’exécution, l’indivisibilité n’étant nullement caractérisée.
Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 19 mars 2013, relève qu’après avoir estimé, par une appréciation souveraine du sens et de la portée du procès verbal de l’Assemblée Générale des associés du 26 décembre 2007, que la décision de vendre l’immeuble appartenant à la société avait été prise en considération de l’accord concomitant conclu sur une répartition du produit de la cession selon des modalités différentes de celles prévues par les statuts, ce dont la Cour d’appel avait pu déduire que ces décisions étaient indivisibles, de sorte qu’elle avait pu constater que la vente de l’immeuble intervenue le 14 février 2008 constituait un commencement d’exécution de cette délibération, et que la Cour d’Appel avait pu valablement et légalement décider que les associés avaient acquis, non pas un droit à des dividendes, qui n’avaient pas d’existence juridique lors de ladite assemblée du 26 décembre 2007, mais seulement à la mise en œuvre des modalités de répartition applicables aux bénéfices qui seraient constatés à la suite de la cession de l’immeuble, décidées par cette assemblée.
En conséquence, la Cour de Cassation rejette le pourvoi des associés majoritaires et de la société.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats