Formalisme de l’aval et recours contre le prêteur.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.Com.,14 mars 2018 n° 16-27869, n° 215 D

              Cass.Com., 28 février 2018, n° 16-14652, n° 164 D

 

Deux points seront abordés dans ce commentaire, à savoir le formalisme de l’aval d’un dirigeant mais également le recours de l’avaliste contre le prêteur.

 

C’est en effet par deux arrêts que la Cour de cassation, par deux arrêts n’ayant certes par reçu la plus large publication, marque le régime lié à l’aval tant dans les mentions portées sur l’effet que les recours dont la Banque peut souffrir.

 

I – Le formalisme.

 

Un crédit de trésorerie est accordé à une société sous la forme d’un billet à ordre. Sera apposé sur cet effet la double signature tant à la rubrique « signature du souscripteur » que « bon pour aval ».

 

L’intérêt de l’arrêt, notamment dans son formalisme jusqu’ici classique, repose dans le fait que le président de la société signataire ajoute sous la seconde signature la mention « en tant que président de la société ».

 

La Banque finira par assigner le président signataire qui contestera avoir donné son aval à titre personnel.

 

La Cour d’appel le condamnera au paiement en précisant qu’  « après avoir constaté que le billet à ordre litigieux comportait, aux rubriques « signature du souscripteur » et « Bon pour aval », deux exemplaires de la signature de M. D., la seconde signature étant assortie de la mention manuscrite « en tant que président de XXX », puis relevé que la validité du billet à ordre n’était pas contestée par M. D. en ce qui concerne ses effets sur la société XXX, énonce que la même société ne pouvait être à la fois souscripteur d’un billet à ordre et avaliste de ce billet et en déduit que, par sa double signature, M. D. a souscrit le billet à ordre en qualité de représentant légal de la société et l’a nécessairement avalisé en son nom personnel, comme il l’avait fait à neuf reprises pour les précédents concours consentis à la société depuis le 31 mars 2011, et ce nonobstant la mention portée sous sa signature ; »

 

Autrement dit, la Cour d’appel précise que l’avaliste ne peut prétendre être souscripteur et avaliste du même billet à ordre.

 

Un pourvoi est alors interjeté.

 

La Cour de cassation sanctionnera l’arrêt d’appel en arguant « Qu’en statuant ainsi, alors que la mention manuscrite portée par M. D. sous sa signature à la rubrique « Bon pour aval » précise clairement qu’il donne cette garantie « en tant que président de la Société », ce dont il résulte que M. D. ne s’est pas engagé comme avaliste à titre personnel, la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ; »

 

La Cour de cassation fait une appréciation stricte de l’engagement et exclut par conséquent l’engagement à titre personnel.

 

La Banque doit donc être extrêmement vigilante quant au formalisme de l’aval, car la défaillance de la société entraînerait une inefficacité de la garantie.

 

II – Le recours contre le prêteur.

 

Au-delà du formalisme, l’avaliste a également parfois intérêt à garder un œil sur les diligences du créancier quant à ses obligations à l’égard du souscripteur.

 

Là encore, un crédit de trésorerie est accordé à une société sous la forme d’un billet à ordre avalisé tant par le gérant que son épouse.

 

La liquidation judiciaire de la société a contraint non seulement la Banque à déclarer sa créance, mais également a assigné les avalistes.

 

A titre reconventionnel, la responsabilité de la Banque est recherchée au motif du préjudice subi par la rupture brutale et abusive des concours bancaires à la société garantie.

 

La compensation est alors sollicitée.

 

L’irrecevabilité de la demande reconventionnelle sera opposée par la Cour d’appel au motif que leurs demandes mettant en cause la responsabilité́ de la banque pour faute vis-à-vis de la société n’ont pas de lien suffisant avec la demande principale, qui porte sur le paiement d’un billet à ordre qu’ils ont avalisé.

 

Un pourvoi est alors interjeté est un arrêt de cassation sera rendu.

 

La Cour précise qu’« alors que, le donneur d’aval étant recevable à rechercher, par voie de demande reconventionnelle, la responsabilité́ de l’établissement de crédit bénéficiaire d’un billet à ordre par une action en réparation du préjudice personnel qu’il imputait aux conditions de la rupture des concours consentis au souscripteur, débiteur principal, provoquant ainsi l’ouverture de la procédure collective de celui-ci et le recours contre l’avaliste, cette demande reconventionnelle présente un lien suffisant avec celle tendant au paiement de l’effet, la cour d’appel a violé les textes susvisés »

 

C’est au visa des articles 564 et 567 du Code de procédure civile que la Cour casse l’arrêt, article qui précisent «Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait » et « Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. »

 

Ainsi, le donneur d’aval est recevable à rechercher la responsabilité du Banquier pour la rupture fautive des concours consentis, quand bien même il s’agit d’une demande reconventionnelle en appel.

 

En l’espèce, il fallait considérer que la rupture fautive a entraîné l’ouverture de la procédure collective créant le préjudice de l’avaliste qui sollicitera la compensation.

 

Jacques-Eric MARTINOT 

Vivaldi-Avocats.

 

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