Rupture des relations commerciales

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : Cass.com, 23 octobre 2012, n°11-25175

 

En l’espèce, un distributeur non exclusif, reprochant à son fournisseur d’avoir mis brutalement fin à la relation commerciale les liants, l’a notamment  assigné sur le fondement de l’article L442-I-5° du Code de commerce et lui reprochait également un  enrichissement sans cause constitué par la captation par le fournisseur, d’une partie de clientèle de son fonds, cette clientèle ne pouvant plus s’approvisionner chez lui en raison de la rupture des relations commerciales.

 

Contrairement aux premiers juges, qui ont relevé que la relation commerciale avait duré 25ans, de sorte qu’un préavis de 22 mois devait être respecté, la Cour d’appel de Paris, a considéré que le préavis respecté par le fournisseur, à savoir un préavis de 9 mois, était suffisant, pour plusieurs raisons :

 

– la relation commerciale avait, de fait, duré 15 ans, et non 25 ans, puisque cette relation avait été interrompue en 1988 pendant 3 années, en raison du rachat du fournisseur par une autre enseigne ;

– Il n’existe pas d’accords interprofessionnels régissant l’activité exercée par le distributeur. La Cour relève toutefois que la fédération européenne du commerce chimique, recommande un préavis qui ne saurait être inférieur à un an pour des relations de plus de 5 ans. Elle n’en donne cependant aucune suite sur l’espèce, ce qui peut paraître troublant.

– Le Chiffre d’affaire et les bénéfices du distributeur n’ont pas été affectés par la rupture des relations commerciales ;

 

De plus, la Cour a considéré que le distributeur ne rapportait pas la preuve d’une perte de clientèle au profit du fournisseur. Cette clientèle est d’ailleurs libre de s’adresser à l’enseigne de son choix.

 

Le distributeur s’est pourvu en cassation, soutenant notamment que :

 

– Les relations commerciales avaient duré 25 ans, et non 15 ans, l’interruption temporaire de 3 ans ne devant pas être prise en considération ;

– La Cour d’appel aurait du se fonder sur les recommandations de la fédération européenne du commerce chimique prévoyant un préavis de 1 an pour en déduire que le préavis de 9 mois était insuffisant ;

– La rupture des relations commerciales a permis au fournisseur de capter une partie de la clientèle, de sorte qu’il a bénéficié d’un enrichissement sans cause.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi.  Pour la Haute juridiction,

 

– les prétentions du distributeur relatives à la durée du préavis sont insusceptibles de permettre l’admission du pourvoi. 

–  « Les règles gouvernant l’enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l’appauvrissement et l’enrichissement allégués trouvent leur cause dans l’exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties ; que le moyen, qui soutient une thèse contraire, ne peut être accueilli ». En d’autres termes, l’action de in rem verso fondée sur les dispositions de l’article 1371 du Code civil, ne peut être formée dans le cadre de relations contractuelles.

 

Le rejet des prétentions du distributeur, fondées sur la règle de l’enrichissement sans cause, n’est pas surprenant, la décision de la Haute juridiction étant conforme à la jurisprudence:

– l’enrichissement du bailleur, qui conserve  les constructions du preneur en fin de bail sans indemnité, ne peut être sanctionné au titre de l’enrichissement sans cause, de sorte que l’entrepreneur des constructions, impayé,  ne peut s’en prévaloir[1] .

– « L’appauvri n’est pas fondé à se plaindre, en invoquant l’enrichissement sans cause, du profit que le contrat a pu procurer au cocontractant[2] »

 

Dès lors que l’enrichissement d’une partie au détriment d’une autre partie résulte de l’exécution ou de la rupture d’une convention, l’action de in rem verso ne peut être intentée.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 



[1] 3ème civ, 28 mai 1986, n°85-10367, Bull Civ III n°83

[2] Cass.com, 18 janvier 1994, n° 91-22237, Bull civ IV n°27

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