Résiliation judiciaire du bail pour manquement grave et répété à l’obligation de jouissance paisible

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

Source : CA Angers, ch. civ. A, 10 oct. 2017, n° 16/03224 : JurisData n° 2017-020597.

 

Le locataire s’oblige à user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location. Tout abus de jouissance est dès lors susceptible d’entraîner la résiliation judiciaire du bail, si le bailleur démontre que la faute reprochée au locataire est suffisamment grave.

 

C’est ce que rappelle la Cour d’appel d’ANGERS par cet arrêt du 10 octobre 2017 dans une espèce opposant des preneurs à un bailleur social.

 

Si le principe ne pose pas difficulté, reste qu’en pratique se pose le problème de la preuve à apporter par le bailleur de manquements suffisamment graves et répétés pour qu’ils soient susceptible d’entrainer la résiliation du bail.

 

Sur ce point, la Cour a considéré « Sont ainsi établis, par les attestations de voisins et par le compte rendu du service médiation de la société bailleresse, les insultes régulières de la femme locataire à l’égard de plusieurs voisins, associées à des accusations infondées (surveillance, prétendues relations extra-conjugales avec son conjoint) ainsi que les comportements agressifs et inadaptés du couple (poursuite d’une voisine jusqu’à l’ascenseur, menaces d’usage de bombe lacrymogène, comportement agressif à l’égard d’enfants, agressivité du mari, nuisances sonores, disputes violentes et bruyantes). En raison de leur gravité, ces incidents sont sources d’insécurité et de peur exprimées à travers de nombreux signalements au bailleur et des attestations établies par sept voisins ».

 

L’état de santé du preneur ne modifie pas l’analyse de la Cour celle-ci relevant expressément : « Si la fragilité psychologique et physique de la locataire, qui est reconnue adulte handicapée, souffre d’un cancer et bénéficie d’un suivi psychologique, est établie, elle ne peut cependant suffire à expliquer et justifier ces manquements nombreux et graves aux obligations du contrat de bail, qui se sont poursuivis pendant plus de deux ans malgré les avertissements écrits du bailleur du 3 juin 2015 et du 31 mars 2016. Les locataires ne démontrent pas l’impossibilité de trouver un logement adapté à l’état de santé de la locataire et l’expulsion ordonnée doit être confirmée ».

 

Cet arrêt, intéressant par sa motivation au regard des circonstances de l’espèce, est a rapprocher d’une décision rendue en ce sens par la Cour de Grenoble le 24 février 2015 laquelle avait également, malgré l’état de santé invoqué par le preneur et à une jurisprudence que l’on doit reconnaitre comme étant majoritairement favorable aux preneurs, fait droit à la demande de résiliation considérant que :

 

« Le prononcé de la résiliation du bail doit être confirmé en l’état des troubles récurrents subis par le voisinage qui sont imputables au manquement de la locataire à ses obligations. Si celle-ci conteste les faits à l’origine de la résiliation du bail en soutenant que les témoignages des voisins pris en considération sont orchestrés par l’un d’eux, sont tendancieux et procèdent d’une volonté de nuire dans le seul but de la faire expulser, le bailleur communique aux débats des témoignages, pétition, e-mails et attestations circonstanciés et concordants qui, sans considérer le handicap de la locataire placée sous curatelle renforcée, établissent le défaut d’usage paisible par celle-ci de son appartement et des parties communes. Ces pièces, qui sont confortées par la déclaration de main courante déposée et par le jugement condamnant la locataire pour nuisances sonores, évoquent des troubles divers, tels que la musique trop forte, des invités bruyants, des éclats de voix, des disputes, des allers et venues bruyantes depuis l’appartement à toutes heures du jour et de la nuit qui sont subis par le voisinage depuis l’emménagement de la locataire. Les témoignages contraires produits par la locataire émanent de personnes qui n’habitent pas dans les lieux et ne suffisent pas à contester les éléments retenus à l’appui de ses manquements ».

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

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