La notion de savoir-faire dans le contrat de franchise portant sur l’activité de conseil en gestion de patrimoine

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

SOURCE : Com. 10 février 2013 12-23890

 

Le savoir-faire est un élément essentiel de la franchise qui lui permet notamment de se distinguer du contrat de concession ou encore de la licence de marque.

 

On entend par savoir-faire, « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci; dans ce contexte, «secret» signifie que le savoir-faire n’est pas généralement connu ou facilement accessible; «substantiel» se réfère au savoir-faire qui est significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels; «identifié» signifie que le savoir-faire est décrit d’une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier s’il remplit les conditions de secret et de substantialité » (Règlement n° 330/2010, 20 avril. 2010, art. 1er).

 

Le savoir-faire doit être original, spécifique, éprouvé, actualisé, identifié. Il doit se distinguer des règles de l’art en ce sens que le franchisé en sa qualité de professionnel ne doit connaître pas ces informations ou ne pas être à même de les acquérir par ses propres moyens (Cass. com., 9 oct. 1990)

 

Les juges considèrent que le savoir-faire est effectivement transmis lorsque le franchiseur remet un guide complet également appelé « bible » au franchisé (notamment CA Douai, 30 juin 201009/03099) ou propose une méthode commerciale originale (pour une franchise de salons de mariage CA Paris, 22 septembre 1992).

 

Le contenu du savoir-faire est fonction du service ou du produit objet de la franchise.

 

En l’espèce, un franchisé qui avait conclu un contrat de franchise portant sur une activité de conseil en gestion de patrimoine avait assigné son franchiseur en annulation du contrat, après qu’une résiliation amiable soit intervenue, sur le fondement du dol et du défaut de cause prétextant une absence de savoir-faire.

 

Les juges du fond avaient rejeté la demande en nullité considérant que le savoir-faire existait. Le franchisé avait formé un pourvoi considérant que, si la Cour avait souverainement apprécié l’existence d’un savoir-faire original, elle n’indiquait pas en quoi le savoir-faire transmis était original et ne caractérisait pas l’avantage concurrentiel corrélativement procuré.

 

La Cour de Cassation rejette le pourvoi considérant que l’originalité et l’avantage concurrentiel ressortaient de la motivation adoptée par la Cour : « l’arrêt retient que le franchiseur a remis à M. X… et à la société F. un « manuel opératoire », qui détaille les étapes de création de la société, l’obligation de détention des cartes professionnelles, les démarches bancaires, les recommandations concernant les assurances, des conseils concernant l’aménagement du local et l’ouverture de l’agence, un second fascicule traitant de la formation du franchisésur la « mécanique » fiscale, les placements financiers, les produits financiers, les produits immobiliers, la méthodologie de vente, les procédures de prévente avec prise d’option, réservation, l’outil logiciel « T.», les procédures de post-vente, le « back office » Robien et le « back office » LMP ; qu’il relève encore la remise d’une méthode commerciale originale particulièrement détaillée de plus de cinquante pages et celle d’un logiciel contenant les procédures à suivre, résultant directement de l’expérience acquise par le réseau C. ; qu’il en déduit que par la communication aux franchisés des informations détaillées portant sur l’ensemble des produits en placement financier et immobilier, ces derniers avaient acquis un enseignement et une connaissance exhaustive et approfondie du métier de ventes de biens mobiliers ou immobiliers visant à la défiscalisation ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel qui a ainsi fait ressortir l’existence d’un avantage concurrentiel et l’originalité du savoir-faire transmis, a légalement justifié sa décision. »

 

Il a été précédemment admis que la remise dès la signature du contrat d’une franchise de contrôle technique automobile de divers documents contenant une description complète de la méthodologie employée, tant en ce qui concerne le contrôle technique que les aspects commercial et d’organisation du réseau ainsi que la mise à disposition des logiciels constituait un savoir faire substantiel que le franchisé n’aurait pu acquérir qu’à la suite de recherches personnelles longues et coûteuses (Cass. com., 1er juill. 2003 01-12.699).

 

Notons cette intéressante motivation de la Cour de Douai dans un arrêt du 30 juin 2010 à propos sur le savoir-faire en matière de contrat de franchise portant sur une activité de diagnostic immobilier :

 

(…) la jurisprudence s’accorde à dire que le savoir-faire recouvre plusieurs éléments qu’il n’est pas intéressant de dissocier, le savoir-faire correspondant à un ensemble d’informations résultant de l’expérience du franchiseur et testées par lui, secret, substantiel et identifié ; parmi ces éléments figurent nom, logos, symboles, méthodes de travail, services originaux et spécifiques, efforts de promotion, agencements, adaptation constante aux besoins du franchisé donc continuité du service. Le secret correspond à une confidentialité relative, notamment en cette matière de diagnostic immobilier dont les composants, officiels, manquent forcément de confidentialité, celle-ci résidant davantage dans les assemblages proposés par le franchiseur. L’identification doit s’entendre d’une formalisation suffisamment complète et la substantialité comme de l’utilité présentée par le savoir-faire à l’égard de l’activité du franchisé en permettant l’amélioration de l’accès du franchisé à un certain nombre de services, l’amélioration de ses résultats, de sa pénétration sur le marché. L’originalité, limitée au vu de la spécificité du métier en question dans le présent dossier, puisqu’il s’agit de mettre des pratiques non originales en adéquation avec des textes qui ne le sont pas davantage, ne réside pas forcément dans la transmission d’éléments inventifs ; elle peut être représentée par la mise à disposition d’une gamme de produits sélectionnés, que le franchisé pourrait mettre beaucoup de temps à rassembler, et de conseils ciblés.

 

La lecture des éléments fournis par E. permet, vis à vis de ces différentes exigences de se convaincre que la société E. a mis à disposition de Monsieur P. ces outils. La bible est une concentration de données utiles et son contenu ne parait pas pouvoir être critiqué ; elle est complétée par des plaquettes informatives, des chartes graphiques, des lettres type, des lettres d’information régulières, un suivi de cette information ; la société E. fournit des outils, des équipements, un logiciel, une centrale d’achats, la preuve d’une publicité et des frais qu’elle a engagés à cet égard, et c’est lui faire un mauvais procès que de dire qu’on a pu gagner quelques euros à s’adresser à la concurrence, d’autant qu’encore une fois son mérite est de concentrer les adresses de fournisseurs utiles.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats 

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