Source : CE, 24/01/2018, n°399726
L’article 194 du CGI dispose :
«Lorsque les époux font l’objet d’une imposition séparée en application du 4 de l’article 6, chacun d’eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l’entretien. Dans cette situation, ainsi qu’en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l’enfant est considéré, jusqu’à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal.
En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf disposition contraire dans la convention de divorce mentionnée à l’article 229-1 du code civil, la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l’accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l’un et de l’autre parent. Cette présomption peut être écartée s’il est justifié que l’un d’entre eux assume la charge principale des enfants ».
Cet article institue une présomption ayant des effets fiscaux : la résidence alternée des enfants chez leurs parents induit par principe une répartition égalitaire entre les parents des charges liées aux enfants. En conséquence, le partage de l’avantage fiscal découlant du rattachement d’enfants au foyer fiscal doit être également égalitaire.
Cette présomption n’est pas irréfragable c’est-à-dire qu’elle peut être combattue de sorte que même en présence d’une résidence alternée la répartition des parts liées au rattachement d’enfants au foyer fiscal ne sera pas forcément égalitaire.
Au cas d’espèce, des parents dont les deux enfants vivaient chez eux en résidence alternée avaient une appréciation divergente de la répartition des parts relatives à leurs enfants. La mère a déclaré un quart de part pour chacun de ses deux enfants, appliquant ainsi la règle posée à l’article 194 du CGI tandis que le père rattachait ses deux enfants à son foyer fiscal.
L’administration fiscale a estimé que la mère ne pouvait prendre en compte dans le calcul de son quotient familial les parts relatives à ses deux enfants dès lors qu’ils étaient à la charge principale de leur père.
Les juridictions du fond ont validé la position de l’administration fiscale en invoquant l’accord intervenu entre les parents aux termes duquel la mère bénéficierait seule des allocations familiale et que le père lui rembourserait la moitié des dépenses supportées pour les enfants.
La mère saisit le Conseil d’Etat et sollicite l’annulation de l’arrêt au motif que la Cour Administrative d’Appel aurait dû vérifier si l’accord intervenu entre les parents ne conduisait pas en réalité à répartir de façon égalitaire les charges liées aux enfants de sorte que la répartition égalitaire de l’avantage fiscal en découlerait automatiquement.
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de la mère et en profite pour clarifier les dispositions de l’article 194 du CGI.
Il rappelle tout d’abord que « pour déterminer le nombre de parts de quotient familial à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l’article 193 du même code, les enfants mineurs en résidence alternée sont réputés être à la charge égale de chacun de leurs deux parents, sauf lorsqu’une convention homologuée par le juge, une décision du juge tranchant un désaccord ou un accord extrajudiciaire des parents en dispose autrement. La présomption de charge égale des enfants peut, toutefois, être écartée s’il est justifié que l’un des parents assume la charge principale des enfants ».
Il sera donc dérogé à la répartition égalitaire de l’avantage fiscal qui est le principe dans deux cas :
Si une convention homologuée par le juge, une décision du juge tranchant un désaccord ou un accord extrajudiciaire des parents en dispose autrement ;
Si l’un des parents apporte la preuve qu’il assume, malgré la résidence alternée, la charge principale des enfants.
En l’espèce, le Conseil d’Etat constate que les juridictions du fond ont retenu l’existence d’un accord entre les parents répartissant de façon non égalitaire les charges liées aux enfants.
Il en déduit que « ces circonstances [l’existence d’un accord entre les parents] faisant obstacle à ce que la charge soit réputée également répartie entre les parents, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en ne recherchant pas si l’application qui était faite des termes de cette ordonnance ne conduisait pas, en réalité, à une répartition égale de la charge des enfants, en l’absence d’élément révélant une modification, en ce sens, des termes de l’accord survenu entre les parents ».
En d’autres termes, dès lors qu’il existe un accord entre les parents entérinant une répartition inégalitaire des charges liées aux enfants, le calcul du quotient familial doit suivre la même logique : l’avantage fiscal ne peut être réparti de façon égalitaire entre les parents, même si dans les faits, la répartition des charges est égalitaire.
Dans ce cas, il incombe au parent ne bénéficiant pas de l’avantage fiscal de faire modifier l’accord qui entraînera les conséquences fiscales adéquates.
En présence d’un accord ou d’une décision judiciaire, c’est cet accord ou décision qui prime sur la situation de faits quelle qu’elle soit.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats