Réduction du temps de travail : les salariés maintenus à 39 H peuvent-ils prétendre au paiement d’heures supplémentaires pour celles effectuées entre 35 et 39 heures ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Soc., 1er mars 2017, Arrêt n°15-20.052 – (FS-P+B)

 

Un salarié avait été embauché à compter du 1er décembre 1998 en qualité de chef de produit par une société allemande appliquant la convention collective du commerce de gros.

 

Il percevait une rémunération pour une durée de travail de 169 heures par mois, soit 39 heures par semaine.

 

Ayant demandé le bénéfice d’un départ volontaire en retraire, le salarié a quitté définitivement l’entreprise le 31 mars 2011 et signé un solde de tout compte « sous réserve de l’application de la Loi AUBRY II », puis a contesté ce solde de compte pour non paiement des heures supplémentaires et de congés payés y afférents.

 

Sans réponse à cette contestation, le salarié va tout d’abord saisir le Conseil des Prud’hommes d’un rappel en paiement d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents, outre le paiement de diverses indemnités, globalement pour non respect de la législation sur la durée du travail.

 

Le salarié prétendait que l’entreprise ne s’était jamais soumise au passage des 35 heures de la Loi AUBRY et à l’accord de réduction du temps de travail du 14 décembre 2001, étendu par arrêté du 31 juillet 2002, qui prévoyait un maintien de la rémunération dans le cadre du passage à 35 heures et le versement d’une indemnité compensatrice de réduction du temps de travail et le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures.

 

Le salarié considérait donc qu’il avait effectué 4 heures supplémentaires chaque semaine, de 35 à 39 heures, dont il réclamait la rémunération assortie de la majoration et des congés payés y afférents.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel de LYON, dans un Arrêt du 13 février 2015, va faire droit à la demande du salarié, considérant que la loi du 19 janvier 2000 qui a réduit la durée légale du travail de 39 à 35 heures n’interdisait pas aux entreprises de maintenir la durée du travail à 39 heures, comme l’avait fait l’employeur, mais que toute heure de travail effectuée au-delà de la limite des 35 heures hebdomadaires était qualifiée d’heure supplémentaire et devait ouvrir droit à des contreparties en repos ou en majoration de salaire et qu’il résulte des bulletins de paie du salarié que celui-ci avait effectué 39 heures de travail effectif hebdomadaire, de sorte qu’il avait effectué 4 heures de travail supplémentaire pour lesquelles il était en droit de réclamer un rappel de salaire.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

Bien lui en prit, puisqu’au visa des articles L.3121-10 et L.3121-22 du Code du Travail dans leur rédaction alors applicable, ensemble l’accord du 14 décembre 2001 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail conclus dans le cadre de la convention collective des commerces de gros, va censurer l’Arrêt d’Appel.

 

La Haute Cour soulève que la loi du 19 janvier 2000 n’interdisait pas aux entreprises de maintenir la durée du travail à 39 heures, mais qu’en ce cas toute heure effectuée au-delà de 35 heures hebdomadaires est qualifiée d’heure supplémentaire et ouvre droit à des contreparties en repos ou majoration, mais relève toutefois qu’il résulte des dispositions de l’article 2.6 du titre 2 de l’accord collectif du 14 décembre 2001, qu’en cas de réduction de leur temps de travail à 35 H, les entreprises devront maintenir le salaire de base contractuel des salariés identique à celui qu’ils percevaient à la date d’application de la réduction du temps de travail, ce maintien pouvant être réalisé par le versement d’un complément d’un complément différentiel, de sorte qu’en statuant comme l’a fait, alors qu’elle avait constaté qu’au sein de l’entreprise la durée du travail avait été maintenue à 39 heures, ce dont il se déduisait que les heures accomplies entre 35 et 39 heures étant déjà rémunérées par le salaire correspondant à 39 heures, seules les majorations pour heures supplémentaires étaient dues au salarié, la Cour d’Appel a donc violé les textes susvisés.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel seulement en ce qu’il a condamné l’entreprise au paiement de sommes au titre de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

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