Procédure commune n’est pas procédure unique.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

 

Source : Cass. Com 16 décembre 2014, Pourvoi n°13-24.161 F-P+B

 

Il est courant, en pratique, que les difficultés d’un groupe de sociétés soient traitées devant le Tribunal des procédures collectives, selon des procédures simultanées. Il s’agit en effet d’ouvrir, par exemple, une procédure de redressement judiciaire, à la fois pour la société holding, ainsi que pour ses différentes sociétés d’exploitation, afin que les problématiques du groupe soient abordées en une seule fois, et qu’idéalement, un traitement global des difficultés du groupe puisse être recherché.

 

Le législateur prévoit d’ailleurs différents mécanismes qui favorisent ce rapprochement, et notamment les dispositions de l’article L.662-2 qui permettent de réunir, devant un même Tribunal, les procédures collectives de l’ensemble des sociétés d’un groupe alors même que ledit Tribunal ne serait pas territorialement compétent pour une ou plusieurs des sociétés le composant.

 

Malheureusement, la pratique va parfois plus loin en sollicitant l’ouverture d’une unique procédure qui s’applique à l’ensemble des sociétés du groupe. Cette pratique est, pour le moins, hasardeuse puisqu’une procédure unique a nécessairement une issue unique, et les difficultés par exemple, rencontrées par l’une des sociétés du groupe, pourrait entrainer la chute de l’ensemble d’entre elles, si la solution retenue venait à être rendue impossible. Par exemple, en cas d’adoption d’un unique plan de redressement par voie de continuation, la naissance d’un état de cessation des paiements, causé par la défaillance d’une des sociétés du groupe, entrainera la chute de l’ensemble des sociétés, là ou des procédures distinctes auraient permis de « couper la branche malade ».

 

L’arrêt ici commenté présente le cas contraire, à savoir un groupe de sociétés pour lesquelles l’ouverture d’une procédure collective est demandée, de manière individuelle, mais pour un traitement simultané, mais un Tribunal qui ouvre une unique procédure collective.

 

Le/Les débiteur(s) interjette(nt) appel de la décision, afin d’obtenir une situation procédurale conforme à ses/leurs demandes, à savoir, une procédure par société.

 

De manière assez surprenante, la Cour d’Appel déboute les demandeurs, au motif notamment qu’il n’existait aucune possibilité de cession partielle d’activités, et que les sociétés ne démontraient pas l’intérêt de poursuivre la procédure sous des patrimoines distincts.

 

Sans trop de surprise, en revanche, la Cour de Cassation dans l’arrêt du 16 décembre 2014, casse l’arrêt d’appel, rappelant le principe de l’autonomie des personnes morales.

 

En effet, le Code de Commerce, si les sociétés demanderesses ne sollicitent pas elles-mêmes le bénéfice d’une procédure unique, ne connait qu’un cas de regroupement sous une unique procédure de patrimoines distincts : l’extension de procédure. Et en matière d’extension de procédure, seuls deux cas permettent de la prononcer, à savoir la fictivité et la confusion de patrimoine.

 

Il s’agit pour les deux cas, d’une sorte d’extension-sanction, aux critères très précis. Si la fictivité est peu courante en Jurisprudence et ne semble pas pouvoir être retenue en l’espèce, reste à examiner le cas de la confusion. Or, en la matière, le critère principal pour permettre la confusion en présence de flux financiers entre les sociétés est le caractère d’anormalité de ces flux. En l’espèce, les relations entre les sociétés semblaient très classiques :

 

       Une convention de trésorerie ;

 

       Des contributions financières des filiales au profit de la société mère ;

 

       Un fonctionnement sous forme de groupe.

 

Dès lors, à défaut de caractère anormal des relations entre les sociétés, la confusion de patrimoine ne pouvait être constatée, et corrélativement l’extension prononcée.

 

Le Tribunal et à sa suite la Cour d’Appel ne pouvait faire autrement que d’ouvrir une procédure collective distincte par société, même si l’intérêt pratique aurait manifestement été de traiter simultanément, vraisemblablement à chaque fois lors de la même audience, et selon une approche globale, les difficultés de trois entités.

 

Sur un plan procédural, le traitement est donc plus lourd, mais également plus flexible, sans les inconvénients d’une procédure unique frappant plusieurs patrimoines.

 

Le rappel de la Cour de Cassation, dans cet arrêt, bien que sans surprise, est manifestement le bienvenu.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocat

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