SOURCE : Arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation du 03 mai 2018, n° 15-20.851 (F-P+B).
Une SARL avait été fondée entre deux associés, le capital de la société étant détenu à part égale entre eux.
L’un des associés est décédé le 19 juin 2011, laissant comme légataire universelle sa concubine par testament du 04 août 2008.
Après avoir été envoyée en possession par Ordonnance du 23 août 2011, l’héritière a sollicité son agrément comme associée par un courrier adressé à la société le 09 août 2011.
Le 28 août 2011, l’héritière s’est vue signifier son refus d’agrément résultant de la décision prise par l’Assemblée Générale Extraordinaire de la SARL.
Entre temps, le seul associé, par ailleurs gérant, réunissait deux assemblées ayant pour but de statuer sur sa rémunération.
Par une Ordonnance du 19 janvier 2012, le Président du Tribunal de Grande Instance de SAINT PIERRE, statuant en matière commerciale, a autorisé le gérant de la SARL à bénéficier d’un délai supplémentaire de 6 mois avec effet à compter du 28 décembre 2011 pour le rachat par la société des parts de l’associé décédé au bénéfice de son héritière.
Par suite, une proposition de rachat a été adressée par la société à l’héritière pour un montant de 1 143 000 € à laquelle celle-ci n’a pas répondu.
Puis par exploit d’Huissier en date du 08 février 2013, l’héritière a assigné la société et son associé aux fins de voir annuler les délibérations prises par les Assemblées Générales de la SARL en date des 30 septembre et 07 octobre 2011 et en conséquence ordonner le remboursement des sommes perçues par l’associé au titre de ses rémunérations.
L’héritière sollicite l’annulation des délibérations des Assemblées Générales des 30 septembre et 07 octobre 2011, considérant qu’elles devaient être annulées parce qu’elle n’avait pas été convoquée à ces assemblées.
Elle précise que l’associé n’ayant pas respecté la procédure de rachat de ses parts sociales, le refus d’agrément et nul et non avenu, de sorte que la qualité d’associé doit lui être attribuée rétroactivement à la date de sa demande d’agrément et que par conséquent elle aurait dû être convoquée aux Assemblées Générales litigieuses.
En cause d’appel, cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION, laquelle, dans un Arrêt du 1er avril 2015, soulignant qu’il ressort de l’article L.223-13 alinéa 2 du Code de Commerce que si aucune des solutions prévues à ces alinéas (visant la procédure de rachat en cas de refus d’agrément) n’intervient dans les délais impartis, l’agrément est réputé acquis.
La Cour souligne que l’héritière n’est pas fondée à soutenir que l’associé aurait agi en fraude de ses droits en convoquant les deux assemblées litigieuses, alors qu’elle n’a pu obtenir la pleine jouissance de ses droits qu’à compter de son agrément tacite, c’est-à-dire à l’expiration du délai prorogé de 6 mois par Ordonnance.
La Cour souligne également qu’il ne saurait être prétendu que les assemblées se seraient tenues irrégulièrement dans la mesure où aucune disposition n’impose aux gérants de s’abstenir de convoquer une Assemblée Générale au cas où une procédure d’agrément est pendante, ni de solliciter la désignation d’un mandataire ad’hoc pour la gestion des parts dévolues.
Déboutée, l’héritière forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, elle prétend que la qualité d’associée doit lui être attribuée rétroactivement, depuis son envoi en possession des parts sociales, dans la mesure où cet agrément intervient après un refus d’agrément non suivi du rachat de ses parts.
Elle prétend également que l’exercice des droits afférent aux parts sociales léguées par un associé décédé est suspendu, de sorte qu’aucune assemblée générale ne peut être valablement convoquée durant ce délai et qu’un mandataire ad’hoc doit être désigné pour représenter ces parts « gelées » en assemblée et qu’en outre, un tel mandataire doit être désigné à la demande de la société ou de l’un de ses associés et en aucun cas par l’associé non agréé.
Mais la Chambre Commerciale ne va pas suivre l’héritière dans son argumentation.
Enonçant que c’est à bon droit que l’héritière de l’associé, dont la demande d’agrément avait été refusée par l’Assemblée Générale de la société, n’est devenue associée de celle-ci qu’à l’expiration de la prorogation du délai accordé sur requête par le Président du Tribunal Mixte de Commerce pour le rachat par la société des parts dont elle avait hérité,
Et énonçant enfin que l’Arrêt d’appel énonce exactement qu’aucune disposition n’interdit au gérant de convoquer une Assemblée Générale au cas où une procédure d’agrément est pendante et qu’il n’appartenait pas à la société ou à son gérant de solliciter dans l’attente de l’achèvement de la procédure d’agrément la désignation d’un mandataire pour le compte de la dévolution successorale,
La Chambre Commerciale rejette le pourvoi.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats