SOURCE : 3ème civ, 22 janvier 2014, n°12-29856, Publié au bulletin
Il est de jurisprudence que le silence du preneur, qui accepte de régler spontanément le loyer réévalué par le bailleur, n’y acquiesce pas nécessairement[1]. Corrélativement, le silence gardé par le bailleur, qui oublie de facturer le montant du loyer au montant conventionnel après une réduction temporaire de son montant, ne renonce pas non plus nécessairement à s’en prévaloir…
En l’espèce, une diminution de 24000€ de loyer était consenti par le bailleur au preneur à bail d’habitation (mais la décision est valable en baux commerciaux) pendant une durée de 9 années, en contrepartie de l’engagement du preneur d’effectuer certains travaux pour rendre l’immeuble habitable.
Lors du renouvellement du bail, au-delà du délai de 9 ans, les locataires ont continué à régler le loyer outre une indexation, sur la base du loyer minoré, sans que le bailleur ne s’oppose à ce mode de calcul. Il accepte, sans la moindre réserve et encaisse, le montant des loyers payés par le preneur. Ce n’est qu’au jour de résiliation du bail que le bailleur prend connaissance de cette omission et demande au preneur une certaine somme au titre de l’indexation du loyer.
Le preneur y oppose une acceptation tacite du bailleur, position accueillie favorablement par la Cour d’appel de POITIERS.
La Cour de cassation ne partage pas cette position et casse l’arrêt d’appel :
« Qu’en statuant ainsi, alors que ni l’acceptation par la bailleresse, avant la date de renouvellement du bail, du calcul opéré par les locataires et du paiement de loyers indexés sur la base du loyer minoré correspondant au seul loyer exigible avant renouvellement ni le silence gardé postérieurement au terme de cette période, ne manifestaient de manière non équivoque sa volonté de renoncer à exiger le loyer prévu au bail à compter de ce renouvellement, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil »
Cette décision a pour avantage d’être pragmatique : bien souvent, les baux ne sont pas gérés par des professionnels de l’immobilier mais par des bailleurs n’ayant pas forcément un regard attentif aux stipulations du bail en cours de durée contractuelle. Les stipulations du bail ne sont alors analysées, comme en l’espèce, qu’en cas d’évènement affectant le cours du bail : non paiement des loyers, des charges, sinistre, résiliation, …Considérer qu’un bailleur accepte par son silence le calcul erroné du loyer opéré par le preneur serait déconnecté de la réalité.
Cette décision, fondée sur une application rigoureuse de l’article 1134 du Code civil, est en outre applicable a tout omission de hausse (ou de baisse) du loyer initialement convenue dans le bail, tel que le loyer à paliers ou le loyer du bail renouvelé initialement fixé.
A noter toutefois : le délai de prescription des créances locatives est de 5 ans : en conséquence, seuls les loyers des 5 dernières années pourront faire l’objet d’une « régularisation »
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 23 juillet 2011, n°10-16902