Les effets d’une admission définitive au passif à l’égard des associés d’une SCI

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com. 13 octobre 2015, Pourvoi n°11-20.746 FS-P+B

 

Cet arrêt aborde la question, absolument fondamentale en pratique, des effets de l’admission définitive au passif, d’une créance.

 

La question est assez traditionnellement abordée sous l’angle de la caution : une fois la créance définitivement admise au passif du débiteur principal, la caution peut-elle soulever, dans le cadre de sa propre défense, des exceptions inhérentes à la dette ? La réponse est bien évidemment non, en raison du caractère irrévocable de l’admission au passif.

 

A ce titre, le législateur a même créé, quasi exclusivement pour la caution, une action spécifique : la réclamation à l’encontre de l’état des créances, posée à l’article R624-8 du Code de Commerce, pour lui permettre de contester le quantum et/ou le principe de la dette, avant que celle-ci soit définitivement admise.

 

L’arrêt ici commenté porte sur un cas moins courant, mais finalement plus évident : le sort des associés indéfiniment responsables des dettes (ici, des associés de SCI).

 

Des associés d’une SCI en liquidation judiciaire avaient ainsi été assigné par la banque, suite à la liquidation judiciaire de la société, au passif de laquelle la créance de prêt avaient été définitivement admise.

 

Les associés soulèvent, devant la Cour de Cassation, deux moyens :

 

       La prescription de l’action de la banque ;

 

       La faculté (écartée par la Cour d’Appel), d’engager la responsabilité du prêteur du fait des concours consentis.

 

Reprenant les solutions posées en matière de cautions, la Cour de Cassation rejette le pourvoi.

 

Tout d’abord, elle retient l’admission à titre définitif de la créance au passif, dans les délais de la prescription, de sorte que les associés, qui n’avaient pas contesté l’admission, notamment via l’action décrite ci-avant de la réclamation, n’avaient plus qualité pour s’opposer au principe et au quantum de la créance à l’égard de la société. Corrélativement, les associés étant tenus personnellement et indéfiniment des dettes de la société, ils étaient nécessairement tenus du paiement de la créance désormais incontestable.

 

Ensuite, s’agissant de la critique soulevée, reprochant à la Cour d’Appel d’avoir refusé d’examiner la responsabilité du prêteur, la Cour de Cassation rappelle que le préjudice subi par les associés, consistant en l’obligation de payer la dette, ne résulte pas d’une faute délictuelle de la banque à leur égard, mais découle purement et simplement de l’admission de la créance au passif de la société, passif dont les associés sont tenus. Dès lors, le préjudice subi ne présente par de caractère personnel, et l’associé ne peut rechercher, de manière autonome, la responsabilité de la banque.

 

Dit autrement, la faute du prêteur est une exception inhérente à la dette, qui ne peut plus être soulevée une fois la créance définitivement admise au passif.

 

Le rappel est d’importance : les cautions et les associés indéfiniment tenus des dettes ne doivent pas attendre d’être personnellement recherchés pour soulever les exceptions classiques en matière de contentieux bancaires (responsabilité de la banque notamment), mais intervenir dès l’étape de l’admission de la créance au passif du débiteur principal. Après, il sera trop tard.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

 

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