La preuve incombe au créancier en cas de cautionnement disproportionné

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : Cass. Com ., 13 mai 2014, Pourvoi n° 13-11.313, n° 354 P + B.

 

Dans un arrêt en date du 1er avril 2014[1], commenté et publié dans Vivaldi Chronos le 5 juin 2014 et celui présentement commenté, la Cour de Cassation a précisé utilement les règles relatives à la charge de la preuve en matière de cautionnement disproportionné.

 

En l’espèce, M.X s’est porté caution d’un prêt consenti par une banque à une société, qui a été mise en liquidation judiciaire.

 

La banque a donc assigné la caution en exécution de son engagement, et la Cour d’Appel a rejeté les demandes de la banque, car elle ne démontre pas que la caution serait désormais en situation de répondre de son engagement

 

La banque fait grief à la cour d’Appel d’avoir rejeté ses demandes car selon elle, s’il incombe à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement d’apporter la preuve de l’existence, lors de la souscription de celui-ci, d’une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus, il lui incombe également, au moment où elle est appelée, de prouver que son patrimoine ne lui permet pas de faire face à son obligation.

 

En conclusion, la banque considère que la Cour d’Appel en faisant peser sur elle la charge de la preuve que le patrimoine de la caution est suffisant pour répondre de son obligation, à inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L.341-4 du code de la consommation.

 

Sur le pourvoi formé par la banque, la cour de cassation comme elle l’avait déjà fait dans l’arrêt du 1er avril 2014, approuve la cour d’appel en énonçant :

 

« (…) Mais attendu qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; qu’après avoir, par des motifs non critiqués, caractérisé la disproportion manifeste, au moment où il a été souscrit, de l’engagement par rapport aux biens et revenus de la caution, c’est sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a retenu que la caisse ne démontrait pas que la caution, au moment où elle a été appelée, était en mesure de faire face à ses obligations (…) »L’article L.341-4 du code de la consommation qui dispose : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

 

Autour de ce texte s’articule:

 

Un principe : un cautionnement disproportionné ;

 

Une exception : dans l’hypothèse où le patrimoine de la caution, lorsqu’elle est appelée, est suffisant pour lui permettre de faire face à son obligation.

 

L’article 1315 du code civil édicte : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

 

Ce faisant, force est de constater, que le principe posé par l’article 1315 précité, quant à la charge de la preuve, aboutit à distinguer entre ces deux éléments.

 

Il ne saurait être contesté qu’il appartiend à la caution, pour pouvoir prétendre échapper à son engagement en invoquant son caractère disproportionné, de prouver les éléments qui caractérisent cette disproportion : c’est donc bien à celui qui se prétend libéré de rapporter la preuve de cette libération.

 

Quid alors, si à l’inverse, le créancier prétend lui-même échapper à cette cause de libération de la caution en soutenant que celle-ci a, au moment où elle est assignée, un patrimoine suffisant ???

 

La Cour de Cassation fidèle au principe déjà posé dans son arrêt du 1er avril 2014, et au visa de l’article 1315 du code civil de conclure que dés lors que la banque réclame l’exécution de l’obligation, il lui appartient de prouver que la caution au moment où elle est appelée dispose d’un patrimoine suffisant pour faire face à son engagement.

 

Dans ces deux récents arrêts, la cour de cassation s’est prononcée sur la charge de la preuve et non l’administration de la preuve.

 

Il appartiendra au créancier, en charge de rapporter les preuves d’obtenir de la caution l’ensemble des éléments qui seront forcément en possession de la caution, cette dernière conformément aux dispositions de l’article 11 du code de procédure civile sera tenue comme toute personne d’apporter son concours à la manifestation de la vérité.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass.com., 1er avril 2014., n° 13-11.313, n° 470 FS-P+B

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