L’offre de prêt doit mentionner le coût de l’inscription du privilège du prêteur

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass, 1e civ., 9 avril 2014. Pourvoi n° N 12-28.914. Arrêt n° 424 F-D

 

L’objectif d’une protection préventive à travers des mesures destinées à encadrer la phase précontractuelle comme celles qui concernent les mentions obligatoires contenues dans les offres de crédit, se démarque du droit commun des obligations et constitue notamment par les sanctions spécifiques prévues en cas de non-respect du formalisme des contrats de crédit, une des particularités du droit de la consommation.

 

La Cour de cassation qui prononce la déchéance du droit aux intérêts, alourdit encore les obligations du prêteur en lui imposant de porter dans l’offre de prêt l’évaluation du coût de ou des suretés réelles exigées.

 

En l’espèce, après avoir émis une offre de prêt, une banque a consenti, par acte notarié à une société, un prêt immobilier garanti par un privilège de prêteur de deniers.

 

Arguant d’une erreur affectant le taux effectif global du prêt, la société a assigné la banque afin de voir celle-ci déchue du droit aux intérêts et condamnée au remboursement de ceux déjà perçus ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts.

 

A l’appui de sa demande, la société faisait valoir que l’offre de prêt ne précisait pas l’évaluation des frais d’inscription du privilège de prêteur de deniers.

 

Pour débouter la société de sa demande tendant à la déchéance du droits aux intérêts, la Cour d’Appel a retenu que l’offre de prêt ne constitue que la proposition de l’établissement bancaire et n’est pas revêtu de la signature des parties, de sorte qu’elle n’engage pas celle-ci.

 

La Cour de Cassation censure la Cour d’Appel au visa des articles L.312-8 4° et L.312-33 du Code de la Consommation.

 

L’article L.312-8 4° dispose :

 

« L’offre définie à l’article précédent :

 

1° Mentionne l’identité des parties, et éventuellement des cautions déclarées ;

 

2° Précise la nature, l’objet, les modalités du prêt, notamment celles qui sont relatives aux dates et conditions de mise à disposition des fonds ;

 

2° bis Pour les offres de prêts dont le taux d’intérêt est fixe, comprend un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance la répartition du remboursement entre le capital et les intérêts ;

 

2° ter Pour les offres de prêts dont le taux d’intérêt est variable, est accompagnée d’une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d’intérêt et d’un document d’information contenant une simulation de l’impact d’une variation de ce taux sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Cette simulation ne constitue pas un engagement du prêteur à l’égard de l’emprunteur quant à l’évolution effective des taux d’intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit. Le document d’information mentionne le caractère indicatif de la simulation et l’absence de responsabilité du prêteur quant à l’évolution effective des taux d’intérêt pendant le prêt et à son impact sur les mensualités, la durée du prêt et le coût total du crédit ;

 

3° Indique, outre le montant du crédit susceptible d’être consenti, et, le cas échéant, celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément àl’article L. 313-1ainsi que, s’il y a lieu, les modalités de l’indexation ;

 

4° Enonce, en donnant une évaluation de leur coût, les stipulations, les assurances et les sûretés réelles ou personnelles exigées, qui conditionnent la conclusion du prêt (…) »

 

Quant à l’article L.312-33 du code précité, il énonce :

 

« Le prêteur ou le bailleur qui ne respecte pas l’une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l’article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l’article L. 312-26 sera puni d’une amende de 150 000 euros.

 

Le prêteur qui fait souscrire par l’emprunteur ou les cautions déclarées, ou reçoit de leur part l’acceptation de l’offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu’elle a été donnée après expiration du délai de dix jours prescrit à l’article L. 312-10, sera puni d’une amende de 300 000 euros.

 

La même peine sera applicable au bailleur qui fait souscrire par le preneur ou qui reçoit de sa part l’acceptation de l’offre sans que celle-ci comporte de date ou dans le cas où elle comporte une date fausse de nature à faire croire qu’elle a été donnée après l’expiration du délai de dix jours prescrit à l’article L. 312-27.

 

Les personnes physiques déclarées coupables encourent également à titre de peines complémentaires l’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d’exercice ne peuvent excéder une durée de cinq ans. Elles peuvent être prononcées cumulativement.

 

Dans les cas prévus aux alinéas précédents, le prêteur ou le bailleur pourra en outre être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge ».

 

De la combinaison de ces deux textes, la Cour de Cassation juge, que la déchéance du droit aux intérêts est encourue par le prêteur qui omet d’énoncer dans l’offre de prêt immobilier, en évaluant son coût, la sureté réelle qu’elle exige pour accorder le prêt.

 

Voici ce que la Cour de Cassation a jugé :

 

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’offre de prêt du 21 avril 2005, dont l’acte notarié du 3 juin 2005 mentionne l’acceptation par l’emprunteur, se borne à énoncer que le coût approximatif de la garantie, qui conditionne la conclusion du prêt, est nul, quand l’inscription d’un privilège de prêteur de deniers entraîne nécessairement des frais susceptibles d’être évalués, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

 

En conclusion, il n’y a pas de petites économies et les erreurs de la banque peuvent lui couter en revanche très chers !!!!!

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

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