Formalités d’information de l’acquéreur d’un terrain au regard du droit de l’environnement

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 11 mars 2014, n°12-29556, Inédit.

 

Bien qu’il n’ait pas fait les honneurs d’une publication au bulletin, cet arrêt rendu par la Cour de cassation dissipe les incertitudes relatives à l’obligation d’information du vendeur de terrain sur lequel une ICPE a été exploitée, introduites par l’arrêt rendu le 10 septembre 2008[1], qui semblait assouplir cette formalité au regard de l’attitude de l’acquéreur. La Cour d’appel avait en effet refusé d’accéder à la demande de restitution d’une partie du prix de vente d’un terrain, en partie fondée sur l’inobservation des obligations de l’article L514-20 du Code de l’environnement, car elle était introduite 4 ans après la vente par une municipalité qui « ne pouvait ignorer qu’il était sérieusement pollué et que cela entrainerait un coût de dépollution dans l’hypothèse où elle déciderait de l’utiliser ou de le revendre comme terrain à bâtir ».

 

Cet arrêt sanctionnait clairement la mauvaise foi de la commune, mais intervenait en contradiction avec la jurisprudence de la Haute juridiction[2], qui, pour autant que l’activité soit soumise à autorisation[3], sanctionnait strictement tout manquement à l’obligation d’information posée par la disposition précitée (dans sa rédaction alors en vigueur) :

 

« Lorsqu’une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation.

 

A défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente. »

 

L’arrêt du 11 mars 2014 confirme que cette obligation reste inchangée pour le vendeur : l’article L514-20 du Code de l’environnement doit être interprété strictement, que le vendeur ait eu connaissance ou non de l’exploitation antérieur d’une activité soumise à autorisation ou à enregistrement : Il lui revient, préalablement à la vente, de procéder aux recherches nécessaires.

 

En l’espèce, un acquéreur de terrain assigne son vendeur en indemnisation de son préjudice, en raison de la pollution découverte sur le terrain au titre de l’activité industrielle d’un ancien exploitant.

 

Le vendeur avait pourtant déclaré, lors de la vente, que « l’immeuble vendu n’avait jamais supporté une exploitation soumise à déclaration ou autorisation dans le cadre des lois relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement et [que] le terrain ne contenait dans son sous-sol aucune pollution ». Il soutenait en défense que l’activité n’était pas exploitée sur le terrain, dès lors que le siège de l’ICPE n’y était pas établi, et qu’il n’avait en effet pas connaissance de cette exploitation antérieure.

 

Pour la Cour d’appel d’Amiens, approuvée par la Cour de cassation, le terrain objet du litige est issu de la division cadastrale de l’ancien terrain sur lequel était exploitée une ICPE, à l’origine de la pollution du sol. Le terrain était donc bien le siège de l’exploitation : par conséquent, il appartenait au vendeur d’en informer l’acquéreur, peu important que les dirigeants de la société venderesse n’aient pas eu connaissance de cette exploitation.

 

L’obligation d’information issue de l’article L514-20 du Code de l’environnement est donc impérative, et ne saurait souffrir d’exception eu égard au seul vendeur.

 

A noter : depuis la publication au Journal officiel de la loi ALUR n°2014-366 du 24 mars 2014, l’article L514-20 du Code de l’environnement a été modifié. Il dispose à présent que :

 

« Lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation.

 

Si le vendeur est l’exploitant de l’installation, il indique également par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de l’accomplissement de cette formalité.

 

A défaut, et si une pollution constatée rend le terrain impropre à la destination précisée dans le contrat, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution, l’acheteur a le choix de demander la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la réhabilitation du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette réhabilitation ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ».

 

Deux conséquences :

 

– la demande de l’acquéreur ne peut prospérer que si le terrain est impropre à sa destination, stipulée au contrat de vente ;

 

– L’acquéreur ne pourra agir que dans un délai de 2 ans de la découverte de la pollution.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] 3ème civ, 10 septembre 2008, n°07-17086, Publié au Bulletin.

[2] 3ème civ, 12 janvier 2005, n°03-18055, Publié au Bulletin

[3] 3ème civ, 17 novembre 2004, n°03-14038, Publié au bulletin

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article
Vivaldi Avocats