ISF – Engagement de conservation de titres – Pacte DUTREIL : apparition d’une zone de danger

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

 

SOURCE : Réponse ministérielle MOYNE BRESSAND AN 13 août 2013 p. 8722 n°19550

 

I –

 

L’honorable député s’interrogeait sur l’interprétation qu’il fallait donner au texte et à la doctrine administrative relative aux cessions de titres entre cosignataires d’un pacte Dutreil pendant l’engagement collectif de détention.

 

Plus précisément, l’article 885 I bis (b) du Code général des impôts dispose que « les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement ». L’administration fiscale, dans son instruction 7 S-2-12 du 9 mars 2012[1] a pour sa part précisé que : « L’engagement collectif de conservation se poursuit dans l’hypothèse de cessions de titres soumis à engagement qui interviennent entre les associés signataires de cet engagement ou leurs ayants cause à titre gratuit ».

 

Le député souhaitait avoir la confirmation du Ministre de l’économie et des finances que les cessions partielles, au même titre que les cessions totales entre membres d’un même pacte étaient sans incidence sur la validité de l’engagement collectif.

 

II –

 

La réponse de Monsieur le Ministre n’est pas intervenue dans le sens suggéré par l’honorable député. Après avoir confirmé l’absence de perte de l’exonération en cas de cession totale entre membres d’un même pacte, le texte procédait à une distinction :

 

« En revanche, dès lors qu’un signataire cède un seul de ses titres en cours d’engagement collectif, il perd le bénéfice de l’exonération partielle d’ISF, au titre de l’année en cours ainsi qu’au titre des années précédentes pour lesquelles l’exonération s’est appliquée, et cela pour la totalité des titres détenus inclus dans le pacte, y compris donc pour les titres qu’il a conservés. »

 

La réponse ajoutait toutefois :

 

« En outre, pour l’avenir, l’exonération partielle d’ISF ne pourra s’appliquer que si un nouvel engagement collectif de conservation est souscrit dans les conditions de droit commun. »

 

III –

 

Quelle est la portée juridique d’une réponse ministérielle ? Le Premier Ministre de l’époque, avait fourni… une réponse ministérielle[2] :

 

« Les réponses aux questions écrites posées par les députés et les sénateurs ont pour objet d’informer ceux-ci de l’action conduite par le Gouvernement. Cet objet même fait obstacle à ce que ces réponses puissent s’insérer dans la hiérarchie des normes de droit et, dès lors, se substituer aux décisions réglementaires ou individuelles prises par les autorités administratives compétentes. De plus, eu égard au principe d’indépendance des juridictions, l’interprétation des dispositions législatives donnée par le Gouvernement n’engage pas le juge, qui reste maître du sens qu’il entend donner aux textes. Pour ces deux raisons, les réponses ministérielles n’ont pas, en principe, de valeur juridique. »[3]

 

Soit ! Mais le Premier Ministre avait lui aussi apporté un tempérament à sa réponse :

 

« Toutefois, en matière fiscale, elles sont considérées comme exprimant l’interprétation administrative des textes, au même titre que les instructions et circulaires. L’article L. 80 A du livre des procédures fiscales a en effet expressément consacré le droit des contribuables à se prévaloir de l’interprétation administrative de la loi fiscale. Les réponses ministérielles sont, à ce titre, regardées comme exprimant la ” doctrine ” administrative. »

 

Il faut déduire de ce qui précède que l’administration placée sous l’autorité du ministre est naturellement conduite à adopter une solution conforme à celle exprimée par la réponse au parlementaire, sauf si une décision de justice vient ultérieurement la contredire.

 

IV –

 

Conséquence : L’administration risque de remettre en cause le bénéfice de l’exonération pour toutes les cessions partielles de titres intervenues à l’intérieur d’un pacte.

 

Pour les cessions déjà intervenues, le contentieux est à engager. Pour celles à venir, le risque fiscal est nécessairement à prendre en considération.

 

Il n’est cependant pas certain que cette interprétation faussement théologique du texte qui a pour effet de l’amputer d’une grande partie de sa portée soit suivie par les juridictions administratives.

 

Rappelons que le Loi de Finance 2014 prévoit pour l’avenir d’enterrer le pacte Dutreil. C’est déjà un bon début, avec cette réponse.

 

Eric DELFLY

Vivaldi-Avocats



[1] reprise désormais au Bulletin Officiel des Finances Publiques : BOI PAT ISF 30-40-60-10, n° 180

[2] Réponse Premier Ministre, 28 aout 1997, JO Sénat p2198

[3] Ce point a été rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence du Conseil d’Etat, et en particulier par un arrêt en date du 20 avril 1956 (sieur Lucard), qui l’a ainsi confirmé : ” Les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative. “

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