Insuffisance professionnelle : peut-on comparer les chiffres réalisés par le salarié licencié avec ceux réalisés par son successeur dans son poste ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cour d’Appel de MONTPELLIER, Arrêt du 10 juillet 2013, n° 12/01 499.

  

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société à compter du 03 juillet 2006 en qualité de technico-commercial pour le secteur « tennis » pour les régions PACA et Méditerranée.

 

Son contrat de travail a été transféré le 1er avril 2010 à une autre société du groupe créée la même année, de sorte que le salarié signait un nouveau contrat lequel intégrait un avenant comportant un objectif de chiffre d’affaires fixé à 1 million d’euros, ainsi qu’un objectif de marge fixé à 250 000 €.

 

Par ailleurs, le salarié percevait des primes exceptionnelles tous les ans de 2006 à 2009 d’un montant variable d’une année sur l’autre.

 

Fin de l’année 2010 et début de l’année 2011, les relations entre le salarié et son employeur vont se dégrader au point que l’entreprise lui proposera tout d’abord de convenir d’une rupture conventionnelle, laquelle fut refusée par le salarié, celui-ci estimant qu’elle était contraire à ses intérêts.

 

Il fut tout d’abord convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par un courrier du 21 janvier, ledit entretien étant fixé au 03 février 2011, alors que dans le même temps, le 28 janvier 2011, il saisissait le Conseil des Prud’hommes de MONTPELLIER d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

 

Puis il fut licencié pour insuffisance professionnelle par un courrier en date du 08 février, lequel courrier lui reprochait des résultats catastrophiques générés par son activité, ladite insuffisance de résultats procédant d’une insuffisance professionnelle aux termes de l’employeur, il prononçait donc un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

 

Le 17 février 2011, le salarié contestait formellement les griefs formulés à son encontre par son employeur dans un courrier longuement circonstancié sur l’ensemble des griefs qui lui étaient reprochés.

 

Par un Jugement du 20 février 2012, la section encadrement du Conseil des Prud’hommes de MONTPELLIER prononçait la résiliation judiciaire du contrat de travail disant que ladite rupture emportait les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Par suite, l’employeur interjetait appel de cette décision.

 

A l’appui de son appel, la société faisait valoir que les soi-disant manquements graves de l’employeur retenus par les premiers pour accueillir la demande de résiliation judiciaire n’étaient pas établis et que le licenciement fondé sur l’insuffisance de résultats était en réalité dû à une insuffisance professionnelle du salarié, celui-ci ayant enregistré de très mauvais résultats, les plus mauvais de l’entreprise au 31 décembre 2010, par comparaison avec ses objectifs contractuels et ceux réalisés par l’équipe, ainsi qu’à ceux de son successeur.

 

Sur la demande de résiliation judiciaire, la Cour va tout d’abord considérer que l’ensemble des manquements invoqués par le salarié à l’encontre de son employeur, n’était pas matériellement établi ou en tout cas pas suffisamment grave pour prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, de sorte que la Cour infirme le Jugement sur ce point.

 

Par contre, sur le licenciement pour insuffisance professionnelle, la Cour va accueillir la demande du salarié.

 

Relevant que l’insuffisance de résultat ne constitue pas en elle-même une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu’il incombe à l’employeur qui s’en prévaut d’établir qu’elle a pour origine soit une faute disciplinaire, soit une insuffisance professionnelle, et qu’au cas présent l’insuffisance professionnelle, pour pouvoir constituer une cause légitime de licenciement, devait reposer sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

 

En l’espèce, la Cour relève que l’employeur reproche au salarié son insuffisance de résultat consécutive à une insuffisance professionnelle alors qu’il résulte cependant des éléments figurant au dossier, que les résultats du salarié en chiffre d’affaires et en marges n’étaient pas les plus faibles en 2010 comme pour les années précédentes, qu’une baisse générale de résultats avait été enregistrée par l’entreprise cette année là et qu’en outre depuis son arrivée dans l’entreprise depuis 2006, le secteur de ce salarié, comme celui des autres salariés ne parvenait pas à atteindre les objectifs annoncés, sans pour autant que les salariés responsables desdits secteurs ne soient pénalisés, et qu’en outre le salarié avait perçu chaque année de 2006 à 2009 une prime de fin d’année.

 

La Cour relève enfin qu’il convient d’ajouter que les chiffres réalisés par le successeur du salarié ne peuvent lui être opposés comme étant meilleurs que les siens en quelques mois seulement, ceci dans la mesure où ils contiennent des clients où le salarié était initialement intervenu.

 

En conclusion, la Cour relève que l’employeur n’établit pas que le salarié aurait fait preuve d’insuffisance professionnelle puisque les reproches évoqués par celui-ci pour l’établir, ne sont pas étayés par des pièces versées aux débats et qu’au contraire l’ensemble des éléments du dossier met en évidence que le salarié n’avait jamais reçu de remarque ou rappel à ses obligations professionnelles pendant les 4 années d’exécution de son contrat de travail et qu’au contraire son activité avait été récompensée par l’octroi de primes de fin d’année.

 

En conséquence, la Cour décide qu’il y a lieu de considérer le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloue une somme en dommages et intérêts tenant compte de l’âge du salarié, de son ancienneté et de sa rémunération, ainsi que des circonstances de la rupture.

  

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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