Cession d’une branche complète d’activité : précisions sur les modalités de mise à disposition de l’immeuble d’exploitation

Clara DUBRULLE
Clara DUBRULLE

 

SOURCE :    

 

Conseil d’Etat, 8e et 3e chambres réunies, 8/12/2017, n°407128

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 1ère chambre, 18/06/2018, n°17 NT03689

 

Aux termes de l’article 238 quindecies du CGI, les plus-values réalisées dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, lors de la transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité sont exonérées sous réserve du respect de certaines conditions.

 

Ainsi, si les conditions posées par cet article sont satisfaites, l’exonération est totale lorsque la valeur des éléments transmis est inférieure à 300 000 euros, et partielle lorsque cette valeur est comprise entre 300 000 et 500 000 euros.

 

Peut bénéficier de l’exonération la transmission, à titre onéreux ou à titre gratuit, d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité.

 

La branche complète d’activité est définie comme l’ensemble des éléments d’actif et de passif d’une division d’une société qui constitue, du point de vue de l’organisation, une exploitation autonome, c’est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens.

 

Ainsi, en principe la branche complète et autonome d’activité doit comprendre tous les éléments liés directement ou indirectement à l’exploitation autonome cédée.

 

Par dérogation, l’administration admet « que la pleine propriété des immeubles et des marques nécessaires à l’exploitation soit conservée par le cédant dès lors que le cessionnaire s’en voit garantir l’usage dans des conditions suffisamment pérennes (BOI-IS-FUS-20-20 au I-B-2-a-1° §180 à 200). » [1]

 

Rappel des faits de l’espèce :

 

Le contribuable exerçait une activité agricole en qualité d’associé exploitant d’une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) non soumise à l’IS. La société a été mise en liquidation amiable le 30 novembre 2006, le matériel a été vendu à l’EARL KERGONTES (détenue par le fils du contribuable) et les bâtiments de la société ont été transférés dans le patrimoine privé du contribuable.

 

A l’issue d’une vérification de comptabilité de l’EARL, l’administration a remis en cause le bénéfice du régime d’exonération de l’article 238 quindecies du CGI dont le contribuable s’était prévalu au titre des plus-values constatées lors de la cession du matériel agricole de l’EARL.

 

Le Tribunal administratif de Rennes et la Cour administrative d’appel de Nantes ont rejeté la demande du contribuable tendant à la décharge des impositions issues du redressement, ce dernier s’est alors pourvu en cassation.

 

Le Conseil d’Etat par un arrêt du 8 décembre 2017 a censuré la décision de la Cour administrative d’appel de Nantes en rappelant :

 

« A cet égard, l’absence d’apport en pleine propriété d’immeubles ne fait pas obstacle à ce que le transfert soit regardé comme complet dès lors qu’il garantit à son bénéficiaire, pour une durée suffisante au regard de la nature de l’activité transmise, le libre usage de ces immeubles aux fins d’exploitation de cette activité. »

 

L’affaire a donc été renvoyée à la Cour administrative d’appel de Nantes.

 

La décision :

 

La Cour administrative d’appel de Nantes devait se pencher sur la question de savoir si le contribuable avait bien transmis une branche complète d’activité au sens de l’article 238 quindecies du CGI alors même que les bâtiments d’exploitation avaient été repris dans son patrimoine privé et mis à la disposition du cessionnaire dans le cadre d’un bail.

 

Dans les faits, le contribuable se prévaut :

 

– D’une part, d’un bail daté du 8 décembre 2006, conclu avec leur fils pour la location pendant 9 ans de ces bâtiments à compter du 1er décembre 2006, et prévoyant expressément la mise à disposition des biens loués au profit de l’EARL KERGONTES (le cessionnaire), et

 

– D’autre part, d’une convention de mise à disposition fondée sur l’article L 411-37 du Code rural alors en vigueur, datée du 1er décembre 2006, par laquelle le fils a mis les bâtiments à disposition de l’EARL KERGONTES à compter de cette même date.

 

Or, la Cour relève :

 

– Que le bail rural a été conclu pour une durée de 9 ans, même si celle-ci est reconductible, et non pour une durée de long terme de 18 ans ;

 

– Que la durée de la convention de mise à disposition suit la durée du bail rural ;

 

– Que la convention de mise à disposition prévoit par ailleurs le cas du « retrait des associés » en cours ou en fin de bail, ce qui est de nature à mettre fin au bail conformément à l’article L411-37 du Code rural.

 

La Cour conclut donc que les modalités d’usage des bâtiments d’exploitation « ne garantissent pas de manière suffisante, au regard de l’activité agricole conduite, pendant la durée de l’exploitation, leur libre usage. C’est donc à bon droit que le service, même s’il ne pouvait se fonder sur la seule absence de la pleine propriété des bâtiments, a estimé que la plus-value ne remplissait pas les conditions prévues par l’article 238 quindecies du CGI tenant à la cession d’une branche complète d’activité ».

 

Cette décision illustre parfaitement le fait que la qualification de branche complète d’activité relève de l’appréciation des faits.

 

Clara DUBRULLE

Vivaldi-Avocats


[1] BOI-BIC-PVMV-40-20-50 §140 

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