L’article L.1226-11 du Code du Travail dispose que :
« Lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s’appliquent également en cas d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise constatée par le médecin du travail ».
Mais comment calculer ce délai d’un mois lorsque l’avis d’inaptitude est prononcé par l’Inspecteur du Travail à la suite d’un recours du salarié contre l’avis d’aptitude du médecin du travail ?
En d’autres termes, l’appréciation de l’aptitude par l’Inspecteur du Travail qui se substitue entièrement à celle du médecin du travail et qui doit être regardée comme portée dès la date à laquelle l’avis du médecin du travail a été émis, qu’elle la confirme ou qu’elle l’infirme, fait-elle naître au profit du salarié un droit rétroactif à la reprise du paiement de ses salaires un mois après la date de l’avis initial du médecin du travail ?
Telle était la question posée à la Cour de Cassation à laquelle elle répond par la négative.
En l’espèce, une salariée avait été engagée par contrat à durée indéterminée du 13 octobre 2003 par une société d’HLM en qualité de gardienne qualifiée.
La salariée, victime d’une agression verbale de la part d’un locataire le 18 septembre 2008, va être placée en arrêt de travail du 18 septembre 2008 au 20 septembre 2009, la CPAM acceptant de prendre en charge ses arrêts de travail au titre de la législation sur les accidents du travail.
Le médecin du travail, lors de la visite de reprise du 29 septembre 2009, a rendu un avis d’aptitude au poste avec restriction, contre laquelle la salariée va former un recours devant l’Inspecteur du Travail.
Parallèlement la salariée va continuer à être placée en arrêt de travail, puis va faire l’objet d’un classement en invalidité de deuxième catégorie à compter du 1er septembre 2010.
L’Inspection du Travail, par décision du 06 décembre 2010, a déclaré la salariée inapte au poste de gardienne d’immeuble, mais apte à un poste administratif à mi-temps.
Finalement, la salariée va saisir le Conseil des Prud’hommes le 18 septembre 2014 en référé afin d’obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages et intérêts.
Elle va être déboutée par les Premiers Juges, de sorte que cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de PARIS, laquelle, par un Arrêt du 29 octobre 2015, va lui accorder une provision sur salaire à compter du 29 octobre 2009, c’est-à-dire à l’expiration du délai d’un mois courant à partir de la date à laquelle le médecin du travail avait prononcé son avis d’aptitude, considérant que l’avis de l’Inspecteur du Travail en date du 06 décembre 2010 s’était substitué à compter du 29 septembre 2009 à l’avis d’aptitude avec restriction du médecin du travail et que c’était, en conséquence, à cette date, qu’il fallait apprécier la date de reprise de versement des salaires, dans la mesure où l’appréciation par l’Inspecteur du Travail de l’aptitude du salarié se substitue entièrement à celle du médecin du travail et doit être regardée comme portée dès la date à laquelle l’avis du médecin du travail a été émis, qu’elle la confirme ou qu’elle l’infirme.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.
Enonçant que la substitution de l’avis d’aptitude délivré par le médecin du travail d’une décision d’inaptitude de l’Inspecteur du Travail ne fait pas naître rétroactivement l’obligation pour l’employeur de reprendre le versement des salaires et que cette obligation ne s’impose à celui-ci qu’à l’issue du délai d’un mois suivant la date à laquelle l’Inspecteur du Travail prend sa décision, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article L.1226-11 du Code du Travail, L.4624-1 du Code du Travail, ensemble l’article R.1445-7 du même Code.
En conséquence, la Haute Cour casse et annule l’Arrêt d’appel seulement en ce qu’il a condamné la société à verser à la salariée des sommes provisionnelles à titre de rappel de salaires pour la période du 29 octobre 2009 au 23 septembre 2015, et renvoi devant la Cour d’Appel de PARIS autrement composée.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats