Franchise : proportionnalité de la clause de non concurrence

Laurent Turon
Laurent Turon

 

SOURCE : CA PARIS, Pôle 5-4, 21 juin 2017, n° 15-15949

                   Articles L 341-1 et L 341-2 du Code de Commerce

 

I – LE TEXTE

 

Issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Macron », le nouvel article L. 341-2 du code de commerce dispose que « toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite ».

 

Estimant que les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence constituaient, avec d’autres pratiques répandues dans le secteur de la grande distribution alimentaire, un frein à la mobilité interenseignes des magasins indépendants, l’Autorité de la Concurrence avait suggéré, et obtenu les modifications législatives discutées.

 

Cette nouvelle police des clauses concerne toutes celles qui produisent effet après la cessation « d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1 », lequel vise « l’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale ».

 

Exception au principe, le § II précise que :

 

« Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes ».

 

Les conditions de l’exception sont l’exacte reproduction des dispositions de l’article 5, § 3, du règlement européen n° 330/2010 du 20 avril 2010 relatives aux obligations de non-concurrence contenues dans les accords verticaux. La clause doit ainsi :

 

1° concerner des biens ou services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat ;

 

2° être limitée aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ;

3° être indispensable à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret, transmis dans le cadre du contrat ;

4° ne pas excéder un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.

 

A lire le texte cette limitation du droit des franchiseurs n’était pas forcément une bonne nouvelle pour les franchisés amputés par la loi d’un argument consistant à soutenir que la clause de non concurrence quel que soit sa durée le plaçait dans « l’impossibilité de poursuivre, dans des conditions économiquement rentables, l’exploitation de (son) fonds de commerce »[1] .

 

II – L’ARRET

 

Dans le cadre du litige examiné par la Cour d’Appel de PARIS, la clause de non concurrence reprenait l’exception au principe de l’interdiction des clauses de réinstallation posé au § 2 de l’article L 342-2 du Code de Commerce. La convention des parties interdisait au franchisé pendant une durée d’un an à compter de la date de cessation du contrat, quelle qu’en soit la cause et sur l’ensemble du territoire national, à n’exercer aucune activité en relation proche ou éloignée avec l’activité du réseau Mikit (il s’agissait d’un contrat de franchise de commercialisation d’un concept de vente de maisons individuelles en « prêt à finir »).

 

Pour annuler la clause, la Cour d’Appel de PARIS, après avoir toutefois reconnu que Mikit justifiait d’un savoir-faire spécifique, jugeait que la clause interdisant toute activité de construction de maisons individuelles sur tout le territoire national n’était pas valable en ce qu’elle n’était « limitée ni dans son objet, ni dans l’espace »… Dont acte.

 

Ce qui est plus troublant est la partie de l’arrêt qui considère que la réfaction de la clause, afin de restreindre l’application dans les limites plus étroites aurait été possible[2]. Emballement de la Cour d’Appel diront certains. Certainement pas. En effet, le Pôle 5-4 de la Cour d’Appel de PARIS est la clé de voûte du droit de la concurrence. De fait, son Président a fait une grande partie de sa carrière au sein de l’autorité de la Concurrence.

 

La question qui vient nettement à l’esprit est donc : doit-on s’attendre lorsque la clause de non concurrence sera valable au regard du texte précité, à une réduction proportionnelle de l’interdiction de la clause ?

 

L’affaire est à suivre.

 

Eric DELFLY

VIVALDI-Avocats


[1]Com. 18 déc. 2012, n° 11-27.068 non publié au bulletin

[2] Ce que ne semble pas accepter la Cour de Cassation (cf. : Cass com 30/03/2016, n° 14-23.61)

 

 

 

 

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